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Lutte contre l’esclavage en Mauritanie : les ONG doutent

lundi 10 mars 2014


La Mauritanie a récemment adopté une feuille de route pour l’éradication de l’esclavage, élaborée en collaboration avec l’ONU. Mais les associations mauritaniennes de lutte contre l’esclavage sont loin d’être convaincues par ce que l’ONU présente comme une nouvelle avancée.

C’est que non seulement les ONG estiment avoir été tenues à l’écart de cette feuille de route mais de plus elles jugent que l’Etat mauritanien ne fait que lancer de la poudre aux yeux de la communauté internationale.

Les dispositions précédentes comme la loi criminalisant l’esclavage, adoptée en 2007, ne sont pas appliquée et le Tribunal Spécial pour juger les crimes d’esclavage n’est qu’un artifice destinée à enrayer le flux de plaintes déposées ces dernières années devant les tribunaux ordinaires.

C’est l’opinion de Biram Ould Dah Ould Abeid, président de IRA-Mauritanie (Initiative pour le résurgence du mouvement abolitionniste) une ONG mauritanienne anti-esclavagiste. « L’Etat mauritanien continue encore dans sa politique ‘poudre aux yeux’ parce que depuis l’édiction de la loi criminalisant ou incriminant l’esclavage en 2007, depuis tout ce temps, ce sont les anti-esclavagistes qui sont allés en prison, en réclamant l’application de cette loi. Et nous considérons que c’est encore, une fois de plus, une poudre aux yeux et la propagande de l’Etat mauritanien pour donner le change devant la Communauté internationale, poursuit Biram Ould Dah Ould Abei. Mais il n’y a aucune volonté à l’intérieur du pays, aucune volonté du gouvernement, qui continue à mener une campagne de diabolisation contre les militants anti-esclavagistes. Et aucun tribunal mauritanien n’a rendu un jugement sanctionnant un esclavagiste, malgré les cas des affaires avérées ».

Boubacar Messaoud, président de SOS-esclave, critique pour sa part le fait que la Mauritanie interdit toujours aux ONG de défense des vicimes de l’esclavage de se porter partie civile dans les procès.

Seule une agence nationale, baptisée « Solidarité » pourra le faire à l’avenir, ce qui enlève à ces dispositions beaucoup de leur pertinence, explique-t-il. « Ils maintiennent le fait qu’ils accordent cette partie civile à une agence publique, ce qui pour nous constitue le monopole des voies de recours des victimes qui sont monopolisées par le gouvernement. Le gouvernement qui nie lui-même l’existence de l’esclavage, alors qu’on nous empêche de nous en occuper et donne ça à une agence nationale qui est gouvernementale, donc qui est également soumise aux instructions et aux ordres du président de la République. Effectivement, la feuille de route peut paraître très, très progressiste. Mais nous, nous sommes échaudés parce qu’il y a eu plusieurs choses, plusieurs tentatives, plusieurs décisions qui n’ont pas eu d’effet, et notamment la loi elle-même de 2007, qui n’a jamais eu d’effet réel. Donc nous sommes effectivement toujours sur notre faim ».

Source : RFI