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Mauritanie : dix anti-esclavagistes libérés

dimanche 20 novembre 2016


Des peines réduites ont été prononcées vendredi au procès en appel de 13 militants anti-esclavagistes mauritaniens jugés pour participation à une manifestation violente contre l’évacuation forcée d’un bidonville, dont trois seulement resteront en prison.

La Cour d’appel de Zouerate (nord) jugeait depuis lundi treize militants de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA, ONG anti-esclavagiste) et sept habitants du bidonville de Ksar, dans le centre de Nouakchott, dont le déplacement forcé par les autorités, le 29 juin, avait provoqué des heurts entre des manifestants et la police.

Elle a acquitté trois des militants de l’IRA et en a condamné sept à quatre mois de prison ferme, qu’ils ont déjà purgés, a-t-on précisé de source judiciaire. Deux des trois militants restants ont écopé de trois ans ferme et le dernier de six mois.

"La Cour a corrigé une erreur commise en première instance, en requalifiant les faits en délit, et non en crime. Ceci est très positif", s’est félicité un des avocats de la défense, Bah Ould Mbareck, dans une déclaration à l’AFP.

"Cependant, nous continuons à penser que tous sont innocents", a-t-il souligné, ajoutant que la défense envisageait de se "pourvoir en cassation, surtout s’agissant de personnes condamnées pour leur appartenance à une organisation non autorisée".

Quant aux sept habitants du bidonville, deux ont été acquittés, les autres condamnés à des peines de quatre mois à cinq ans ferme. Trois ont donc recouvré la liberté en début de soirée, a-t-on ajouté.

Le parquet avait réclamé mercredi vingt ans de prison contre l’ensemble des prévenus, condamnés en première instance à Nouakchott à des peines de trois à 15 ans de prison.

Le procureur a soutenu que tous avaient "directement pris part aux événements", les accusant de "rébellion contre la force publique et de vandalisme".

Il n’était pas possible dans l’immédiat de savoir si le parquet comptait exercer un pourvoi contre la décision d’appel.

 Accusations de ’torture’ -

Dans un communiqué, Amnesty International a qualifié les acquittements d’"immense soulagement", mais déploré les condamnations en appel contre dix des 13 militants, dont trois toujours emprisonnés.

L’organisation de défense des droits de l’homme a estimé "encore plus consternant que la décision de la Cour ait ignoré les graves allégations de torture des prévenus et qu’aucune enquête n’ait été ouverte".

Amnesty exhorte les autorités à "reconnaître la légitimité de tous les mouvements luttant contre l’esclavage et les discriminations", dont l’IRA.

A la barre, les prévenus ont tous demandé leur acquittement et nié toute participation aux violences.

Leurs avocats ont dénoncé des "tortures" et des dépositions devant la police extorquées sous la contrainte, selon Me Ould Mbareck.

"Je suis un planificateur du développement et non un planificateur de la destruction. Je ne détruis pas", s’est insurgé l’un des accusés, le vice-président de l’IRA, Balla Touré, insistant sur le caractère "pacifique" de son mouvement.

En première instance, les prévenus avaient affirmé avoir subi des tortures en détention, ce que le parquet a démenti.

Une plainte contre X a été déposée lundi à Paris pour "tortures et traitements cruels" par les avocats français de l’IRA qui ont demandé aux autorités françaises d’interpeller à leur prochain passage en France une vingtaine de hauts gradés identifiés par les plaignants "bien connus pour être les architectes de la torture en Mauritanie".

Interrogé sur cette plainte et ces accusations, le porte-parle du gouvernement mauritanien a fustigé jeudi soir "des inanités qui ne méritent pas de commentaire".

L’esclavage a officiellement été aboli en 1981 en Mauritanie, mais certaines pratiques d’asservissement perdurent, une situation dénoncée avec véhémence par l’IRA.

La situation a néanmoins évolué récemment, avec l’adoption en août 2015 d’une nouvelle loi faisant de l’esclavage un "crime contre l’humanité", réprimé par des peines allant jusqu’à 20 ans de prison, contre cinq à dix ans auparavant.

AFP