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Mohamed Ould Abdel Aziz : « C’est mon dernier mandat »

mardi 24 juin 2014


Mohamed Ould Abdel Aziz, le président mauritanien, vient d’être réélu samedi 21 juin, pour un second mandat à la tête du pays. Avec plus de 81% il caracole largement en tête et laisse loin derrière ses concurrents qui ne franchissent pas la barre des 10%. Quel regard porte-t-il sur ce scrutin boycotté par l’opposition, quelles sont ses priorités, et compte-t-il s’arrêter à deux mandats comme le prévoit la Constitution ? Le président mauritanien répond aux questions de Marie-Pierre Olphand pour RFI et de Charlotte Bozonnet du journal Le Monde.

RFI : 81%, c’est un très bon score. Est-ce que vous dites merci à l’opposition qui a boycotté ce scrutin ?

Mohamed Ould Abdel Aziz : Je dis merci d’abord au peuple mauritanien qui m’a permis d’avoir ces 80%. Je respecte la position de l’opposition, ils ont pris la décision de boycotter ces élections. De toute façon, les résultats sont là.

Ils ne vous ont pas ouvert un boulevard en boycottant ?

Non, pas tellement parce que je viens de terminer mon mandat avec un résultat très positif, qui est visible sur le terrain. Et je crois que c’est essentiellement cela la cause de ma réélection et non pas seulement le boycott de l’opposition.

Ce scrutin est un succès électoral pour vous, mais n’est pas un demi-échec politique en raison de l’absence de cette opposition ?

C’est un demi-échec effectivement, mais pour l’opposition, pas pour moi.

Juste derrière vous, en deuxième position il y a Biram Ould Dah Ould Abeid. C’est un nouveau venu sur la scène politique, un militant qui lutte contre l’esclavage. Est-ce qu’il y a eu un phénomène Biram dans ce scrutin ?

Je ne pense pas pour la simple raison, c’est qu’il est derrière moi, mais très loin derrière moi. De toute façon, parmi cinq candidats, il faut qu’il y ait un premier, un deuxième, un troisième, un quatrième et un cinquième.

Pendant la campagne, votre porte-parole a accusé Biram Ould Dah Ould Abeid de tenir des propos racistes et a même demandé à la Céni de se saisir de son cas. Qu’est-ce qui vous choque dans le discours de ce candidat ?

Certains trouvent que c’est un discours extrémiste qui ne sert pas l’unité nationale et qui essaye de diviser les Mauritaniens.

Est-ce votre avis ?

Oui, je pense qu’il est excessif, mais c’est sa nature.

Est-ce que vous confirmez que vous avez aidé Biram Ould Dah Ould Abeid à être candidat en lui permettant d’avoir les signatures nécessaires pour que sa candidature soit validée par le Conseil constitutionnel ?

Je ne l’ai pas aidé personnellement, mais il y a des conseillers peut-être de mon parti qui l’ont aidé pour lui permettre de pouvoir se présenter effectivement.

C’était important qu’il soit candidat ?

C’était important pour lui, pour la démocratie peut-être aussi. On a besoin quand même d’aller aux élections avec des candidats.

Au total, ce sont plus de 60 000 Mauritaniens qui ont voté pour lui. Est-ce qu’il n’est pas temps d’autoriser son parti et son association ?

Je crois que le problème ne se pose pas maintenant. Avant, Biram était connu pour être un militant anti-esclavagiste. Maintenant, il vient d’avoir cette nouvelle casquette d’homme politique. Laissons-lui le temps de revenir sur la scène et de se présenter comme étant un homme politique et on verra bien.

Est-ce qu’il y a une leçon à tirer de ce vote ?

Il n’est pas arrivé au pouvoir, donc il n’a séduit personne. 60 000 personnes qu’est ce que cela représente ? Ca peut arriver n’importe où. En France, vous avez des gens qui tiennent des discours extrêmes et qui arrivent à obtenir des pourcentages beaucoup plus élevés.

Vous vous apprêtez à débuter un second mandat. Quelle est votre priorité numéro un ?

Pour mon deuxième mandat, la priorité est de consolider les acquis et continuer à construire mon pays, à le sécuriser d’abord pour pouvoir bien le développer. C’est cela mon objectif. Améliorer les conditions de vie de ma population, sur le plan de la santé, sur le plan de l’éducation, sur le plan des infrastructures routières.

La lutte contre la corruption était une promesse au début de votre premier mandat. Aujourd’hui, la loi d’orientation contre la corruption n’a pas été adoptée, il n’y a toujours pas de parquet anti-corruption. La Cour des comptes n’a pas publié de rapport depuis 2011. Pourquoi ?

Dans mon programme effectivement, j’avais dit que j’allais combattre la corruption et la gabegie. Les pratiques du passé ont été complétement oubliées. Je crois que j’ai réussi aussi à le faire. Tout cela s’est presque arrêté. On peut dire qu’on a fait un travail exceptionnel sur ce plan.

Certains de vos partenaires réclament quand même encore aujourd’hui des signaux forts pour freiner la corruption. Est-ce que des outils vont être mis en place pendant ce second mandat ?

Je ne suis pas au courant de ces partenaires qui nous demandent encore plus de lutte contre la corruption. Pour les outils, nous avons une Cour des comptes qui travaille. Elle nous envoie régulièrement des rapports, l’Inspection générale d’Etat fait des contrôles ponctuels et des contrôles réguliers. Les choses se passent très bien. Et ça a mis un frein carrément à la gabegie et la corruption.

Une autre de vos priorités a été la lutte contre les groupes jihadistes. Est-ce que vous estimez que tout risque est écarté pour votre pays ?

C’est ce que je souhaite effectivement. Nous avons fait tous les efforts nécessaires. Nous avons réorganisé un peu l’ensemble de notre système de sécurité, que ce soit le système opérationnel ou dans le renseignement pour arriver à cette situation. Donc nous espérons que les choses s’arrangent, mais c’est vrai que le danger n’est pas loin.

La menace existe toujours ?

La menace existe tant que les problèmes entre ne sont pas totalement réglés dans cette grande région qu’on appelle le Sahel, il existe encore des terroristes. En tout cas, ce que je peux vous garantir c’est que sur notre territoire, il n’existe aucun terroriste. Nous controlons notre territoire. Nous sommes très vigilants.

Vous avez obtenu à la fin du mois de mai un cessez-le-feu à Kidal au Mali. Aujourd’hui, les pourparlers n’avancent pas. D’où vient le blocage ?

Je ne pense pas qu’il y ait forcément un responsable. Mais il faut savoir quand même que c’est un problème assez complexe qui date pratiquement de plus d’un demi-siècle. Il faut beaucoup de temps pour le régler, il faut beaucoup de volonté. Et il faut beaucoup de sacrifice de la part de toutes les parties pour le régler. Et ça ne peut pas se régler en l’espace d’une semaine. J’ai aidé pour arriver à ce cessez-le-feu, mais le cessez-le-feu ne pourra être qu’un tremplin vers un dialogue, peut-être très loin d’ailleurs, qui va permettre un jour, souhaitons-le, d’arriver à des résultats beaucoup plus positifs, c’est-à-dire avec la conclusion d’un accord qui va nous permettre d’aller vers une paix durable. Mais pour cela, il faut quand même qu’il y ait la volonté de toutes les parties et il y a un sacrifice nécessaire, qu’il y ait le courage aussi parce que la paix est très importante, mais elle a un prix.

Vous avez l’impression que le président malien IBK fait tout ce qu’il faut ?

Je pense qu’il est en train de faire tout ce qu’il faut. Je souhaite aussi qu’il aille dans ce sens aussi bien pour son pays et pour toute la région.

Vous allez débuter dans quelques jours votre second mandat. Est-ce que ce sera votre dernier mandat, comme le prévoit la Constitution mauritanienne ?

Oui, comme le prévoit la Constitution mauritanienne, c’est mon dernier mandat.

Même si le peuple le demande, vous ne chercherez pas à faire un troisième mandat ?

C’est tout ce que j’avais à dire.

Source : RFI