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En Mauritanie, l’ancien président Aziz relâché mais restreint dans ses mouvements

dimanche 30 août 2020


L’ex-chef de l’Etat, soupçonné de corruption, n’a pas été inculpé mais son passeport ne lui a pas été rendu. Il a par ailleurs l’interdiction de quitter Nouakchott.

L’ex-chef de l’Etat mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz est sorti lundi 24 août des locaux de la police, où il a été interrogé pendant une semaine sur des soupçons de corruption sous sa présidence, mais n’est plus totalement libre de ses mouvements, selon son avocat.

Ces interrogatoires policiers, la rétention de son passeport et les restrictions imposées à ses mouvements confirment sa disgrâce progressive sous l’actuel président Mohamed Ould Ghazouani, qu’il avait lui-même désigné comme son dauphin.

L’ancien chef de l’Etat, qui a dirigé de 2008 à 2019 ce pays sahélien en grande majorité désertique, est sorti des locaux de la police vers 1 h 30 (GMT et locales), a déclaré à l’AFP son avocat, Taghioullah Aïda, présent à ses côtés. « Il n’a pas été inculpé mais son passeport, qui lui a été pris lors de son arrestation, ne lui a pas été rendu », précise son conseil. « Il a l’interdiction de quitter Nouakchott », a-t-il ajouté, en précisant qu’il n’y a « pas d’autre condition que celle liée à la restriction de déplacement ».

Une commission d’enquête parlementaire

M. Aziz ne fait l’objet d’aucune mise en cause formelle, a dit l’avocat à l’AFP. Mais « il a refusé de répondre [aux policiers] parce que, avec raison, il dit qu’il est un ancien président et de ce fait il jouit d’une immunité constitutionnelle ». M. Aziz n’a pas fait de déclaration publique. En revanche, ses partisans ont défilé en voiture dans plusieurs quartiers de Nouakchott pour manifester leur joie, ont rapporté un journaliste de l’AFP et des témoins.

L’ancien président s’était rendu le 17 août au siège de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN, police mauritanienne), répondant à une convocation. Il devait répondre à de « fortes présomptions de mauvaise gouvernance et de détournements de biens publics », avait alors indiqué une source sécuritaire.

Cela fait plusieurs mois que les années de présidence d’Aziz sont soumises à un examen soupçonneux. En janvier, une commission d’enquête parlementaire a été constituée, avec pour mission de se pencher sur plusieurs dossiers : gestion des revenus pétroliers, vente de domaines de l’Etat, liquidation d’une société publique qui assurait l’approvisionnement du pays en denrées alimentaires ou encore activités d’une société chinoise de pêche.

Création d’une haute cour de justice

La commission a entendu plusieurs de ses anciens premiers ministres et ministres, et son président avait indiqué que le nom de M. Aziz avait été cité à plusieurs reprises en lien avec des agissements suspectés de violer la loi mauritanienne. L’ancien président avait ignoré début juillet sa convocation devant cette commission qui a transmis début août son rapport à la justice mauritanienne.

Concomitamment, les députés ont voté fin juillet une loi instituant une haute cour de justice, compétente pour juger le chef de l’Etat et les ministres en cas de « haute trahison ». Ces investigations vont de pair avec une mise à l’écart politique de M. Aziz. En décembre 2019, il avait perdu la direction de l’Union pour la République (UPR), parti qu’il a pourtant fondé.

Les délégués avaient élu sans opposition un nouveau conseil national, désignant à sa tête un homme choisi par M. Ghazouani, Sidi Mohamed Ould Taleb Amar, ancien ministre qui s’était éloigné de la politique nationale pendant plus de dix ans.

Début août, un remaniement ministériel opéré par le nouveau chef de l’Etat a écarté quatre ministres liés à l’ancien pouvoir, dont le chef du gouvernement Ismaïl Ould Bedda Ould Cheikh Sidiya, afin de leur « laisser le temps dont ils auront besoin pour prouver leur innocence » dans les investigations en cours, selon le secrétaire général de la présidence, Adama Bocar Soko.

Le président Aziz avait pris le pouvoir dans ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest de 4,5 millions d’habitants par un coup d’Etat militaire en 2008, puis remporté l’élection présidentielle en 2009 et celle de 2014. Mohamed Ould Ghazouani, qui lui a succédé en août 2019, fut son chef de cabinet et ministre de la défense.

Source : LeMonde.fr avec AFP