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En Mauritanie, une enfant avec des responsabilités d’adulte
lundi 30 novembre 2015
Alors que j’entre dans la khaima, j’aperçois immédiatement Raïssa, 2 ans, jouant avec le sac de sa mère et me dévisageant d’un air malicieux. Minetou tient dans ses bras Aminata, une fillette âgée d’un mois, et la berce lentement.
Après les longs échanges de civilités mauritaniens, on m’offre un verre de thé mauritanien. Minetou commence à parler timidement. « Je suis née en 1998 », dit-elle en me regardant avec ses grands yeux noirs. Elle pose le bébé sur une couverture, à même le sol, et réajuste la melhafa à fleurs. « J’ai été mariée quand j’avais 13 ans. »
Je tente de me rappeler à quoi je ressemblais quand j’avais treize ans et tout ce que je peux me représenter, c’est moi-même riant avec mes camarades pendant un cours. Soudain, alors que je regarde Minetou, une profonde tristesse m’envahit : une enfant, mariée et mère en même temps.
Minetou ne sourit pas beaucoup. De temps en temps, elle jette un coup d’œil vers Raïssa et glousse d’un petit rire à la vue de la fillette, à présent occupée à peler une orange. « J’allais à l’école mais j’ai abandonné ma scolarité. Vous voyez, je ne pouvais plus me rendre en cours. Mon père est mort la même année. C’est à ce moment là que les problèmes ont commencé. »
Après la mort de son père, Minetou a commencé à travailler dans un petit restaurant de son quartier, qui est l’un des plus pauvres de Nouakchott. « J’avais seulement douze ans mais je ne me sentais plus comme un enfant. J’avais besoin de trouver de l’argent pour permettre à ma famille de manger. » Un an plus tard elle était mariée. « On ne m ‘a pas forcée à me marier. Je me suis forcée à me marier à cause de la situation de ma famille. »
31 % de la population mauritanienne vit en dessous du seuil de pauvreté. Le mariage d’enfants est souvent perçu comme une façon de s’adapter. Quand une fille est mariée, sa famille reçoit une dot. Minetou s’interrompt et tire vers elle Raïssa qui est en train d’essayer d’attraper mon verre de thé.
« J’avais treize ans, il en avait vingt », ajoute-t-elle. « Avant, j’étais juste une élève moyenne et je voulais devenir douanière. Mon père nous donnait tout ce dont nous avions besoin. » Elle sourit. « La façon dont il faisait toujours des plaisanteries me manque. » Quand je lui demande si, parfois, elle pense à retourner à l’école, elle approuve d’un hochement de tête timide.
« Parfois, dans la vie, tout va bien, parfois tout va mal. Mais, dans ma vie, Raïssa et Aminata sont ma motivation. Si je pouvais simplement avoir accès aux choses les plus élémentaires de la vie, de quoi manger, la santé et l’éducation, je serais si heureuse. »
Elle regarde Aminata en train de dormir et attrape la petite main de Raïssa. « Mes filles finiront leur scolarité. Ensuite, elles auront un bon travail. Ce n’est qu’après cela que je les laisserai se marier. Pas avant. »
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Khaima : tente mauritanienne
Melhafa : vêtement féminin traditionnel très coloré et fait d’un voile et enroulé autour de la tête et de tout le corps.
Najade Lindsay est volontaire/chargée de communication à UNICEF Mauritanie.
Source : UNICEF