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La Mauritanie de Ghazouani : l’illusion de l’alternance

mercredi 9 février 2022


Par : Jorge Brites, Camille Evrard, Paul Melly et Erin Pettigrew

Quand le général Mohamed Ould Ghazouani s’est présenté aux élections présidentielles mauritaniennes en 2019, beaucoup ont dit que cela augurait une nouvelle « tandemocratie », c’est-à-dire un système où deux personnes partagent, même officieusement, le pouvoir au sein d’un même régime politique – l’exemple phare étant la Russie de Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev. Ghazouani était depuis longtemps aux côtés du pouvoir, surtout de son ami de longue date – le Poutine dans cette histoire – Mohamed Ould Abdel Aziz. Toutefois, deux ans après l’élection du premier, le second est actuellement en prison, ses anciens ennemis rentrés d’exil : Ghazouani semble vouloir se distancier de son prédécesseur. Dans les rues de Nouakchott, les avis sont partagés, certains insistant sur son héritage soufi et son style réfléchi et conciliateur, tandis que d’autres rappellent son engagement de trente ans au sein de l’appareil militaire du pays, signe de sa discipline ; son implication dans les épisodes de coups d’état, signe d’un certain calcul politique ; et finalement sa part dans la surveillance de la population, dans le cadre de l’interminable guerre contre le terrorisme.

Ainsi les observateurs adoptent-ils différentes attitudes. Soit n’attendre pas grand-chose du nouveau président si ce n’est un prolongement de la politique mise en place par Abdel Aziz. Soit voir dans les premiers remaniements au sein du gouvernement et dans son attitude personnelle des signes de changement mesuré et progressif vers une politique plus inclusive et transparente. Il s’agit ici de faire le bilan du presque mi-mandat de Mohamed Ould Ghazouani, tant du point de vue de la politique intérieure que des relations extérieures. Est-ce que la mise en accusation d’Abdel Aziz signale un vrai engagement contre la corruption ? Est-ce que la société civile trouve enfin sa voix dans l’espace public ? Comment Ghazouani imagine-t-il le rôle de la Mauritanie dans la sphère internationale, et en particulier sa place respective auprès de ses voisins subsahariens d’un côté, maghrébins de l’autre, ainsi que ses liens spécifiques avec le Golfe ?

Politique intérieure : Alternance illusoire au pouvoir, alternative illusoire dans l’opposition

En juin 2019 était élu Mohamed Ould Ghazouani à la présidence de la République Islamique de la Mauritanie, succédant à Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir depuis 2009. Cette élection avait cela d’exceptionnel que pour la première fois depuis l’indépendance du pays, un chef d’État succédait à un autre dans le respect du cadre institutionnel. Cette élection, quoique d’emblée contestée par l’opposition politique, avait suscité des attentes. L’illusion d’un changement de cap et d’une nouvelle page politique avait été alimentée quelque temps par plusieurs événements qui avaient ponctué l’actualité depuis 2019. Le premier était une mise à l’écart de l’ancien président Abdel Aziz lorsqu’il tenta un retour par la petite porte dans le parti qu’il avait fondé suite à son putsch de 2008, l’Union pour la République (UPR). Le deuxième fut la mise en place, approuvée à l’unanimité par le Parlement mauritanien, d’une commission d’enquête parlementaire chargée d’éplucher divers dossiers de la présidence précédente suspectés d’irrégularités (passation de marchés de gré à gré, vente du patrimoine de l’État à prix bradé, etc.). Ensuite, l’abandon des poursuites à l’égard d’opposants – notamment l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, rentré au pays le 10 mars 2020 après dix ans d’exil durant lesquels il avait fait l’objet d’un mandat d’arrêt par la Justice mauritanienne qui l’accusait d’évasion fiscale. Enfin, la fermeture de plusieurs pharmacies et la chasse aux faux médicaments donnait l’impression que la corruption ou la négligence ne seraient plus admises dans un domaine aussi basique que celui de la santé.

Pourtant, deux ans après le début du mandat de Ghazouani, les espoirs ont plutôt été déçus : aucun des paradigmes à l’œuvre sous son prédécesseur n’a fait l’objet d’un travail de réforme de fond. Sauf qu’en face, les forces de l’opposition, qui avaient réussi temporairement quelques regroupements le temps des élections générales, se sont divisées et ne semblent pas en mesure de proposer des alternatives concrètes. Une offre politique alternative émerge-t-elle depuis le simulacre d’alternance au pouvoir en 2019 ?

La composition du nouveau gouvernement a globalement déçu – en particulier en termes de représentation des communautés noires. Et la nomination le 6 août dernier d’un nouveau Premier ministre, Mohamed Ould Bilal, un homme politique hratin1, en remplacement d’Ismaïl Ould Bedda Ould Cheikh Sidiya, qui fait partie de l’élite nationale arabophone bidan2 issu d’une grande famille maraboutique liée au pouvoir politique depuis le temps colonial, n’y change pas grand-chose – d’autant qu’il s’agit d’un habitué de l’appareil d’État, un gestionnaire qui devrait peu se démarquer par son sens de l’innovation. Surtout, on n’observe aucun bouleversement dans la gestion des affaires, ce qui, alors que le pays s’apprête à recevoir une masse d’argent providentielle grâce à l’exploitation de gisements de gaz découverts il y a quelques années (exploitation qui ne démarrera qu’après 2022, avec du retard en raison de la crise du coronavirus), soulève bien des questions.

La mise à l’écart de l’ancien président Abdel Aziz ou l’illusion du changement

L’exécutif a bien tenté de montrer quelques signes de rupture avec la précédente mandature. La séquence autour de la tentative de retour de l’ancien président Abdel Aziz, en particulier, offre au régime l’occasion de faire d’une pierre deux coups en lui écartant toute marge de retour tout en simulant une lutte active contre la corruption et la gabegie. Revenons sur son déroulé : au mois de juillet 2020, une commission d’enquête parlementaire mise en place depuis le mois de janvier précédent, remet un rapport édifiant sur le système de corruption, de trafics d’influence et de conflits d’intérêts qui a prévalu durant toute la période 2009-2019, c’est-à-dire les deux mandats de l’ancien président Abdel Aziz. Le rapport évoque en particulier des cas de complicité entre l’État et des entreprises appartenant à des membres de sa famille ou à des proches, telles que la société SMIS SARL, qui a permis l’acquisition par ces mêmes entreprises de patrimoines domaniaux à Nouakchott. Outre des terrains de l’école de police et de l’office du complexe olympique, seraient par exemple concernées des écoles primaires qui auraient fait l’objet de ventes aux enchères (qui se seraient déroulées entre le 15 octobre 2015 et le 14 juillet 2017). Après analyse de toutes ces ventes, la commission précise que les conditions ont été les mêmes pour la grande majorité des terrains avec le même homme d’affaires qui n’est autre que le neveu de l’ancien président.

Retardée à plusieurs reprises, d’abord en novembre puis en février, une procédure ouverte en août 2020 contre l’ex-président s’est finalement accélérée le 11 mars 2021. Il a été placé sous contrôle judiciaire avec treize de ses anciens collaborateurs, après deux nuits passées à la Direction générale de la sûreté pour être interrogé. Parmi ses collaborateurs figurent les anciens Premiers ministres Mohamed Salem Ould Béchir et Yahya Ould Hademine, l’ex-directeur du Port autonome de Nouakchott Hacena Ould Ely, ou encore l’homme d’affaires Mohiedine Ould Sahraoui (chargé de la construction du nouvel aéroport international de la capitale). Abdel Aziz était déjà assigné à résidence surveillée depuis août 2020.

Toute cette séquence, à commencer par la mise en place de la commission d’enquête parlementaire, apparaît comme une rupture avec le prédécesseur de Ghazouani aux allures d’opération « mains propres », toutefois, elle ne peut occulter la connivence ancienne entre l’ancien et l’actuel président. En effet, Ghazouani est présent dans le haut commandement militaire depuis 1987, et il a accompagné Abdel Aziz lors de ses différents putschs : membre du conseil militaire qui a destitué l’ancien président Maaouyia Ould Sid’Ahmed Ould Taya en 2005, il a ensuite accompagné le renversement du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi en 2008. Chef d’état-major des forces armées, puis ministre de la Défense (2018-2019) sous la présidence Abdel Aziz, leur proximité de longue date laisse peu de doutes au fait que Ghazouani avait connaissance de l’ampleur des trafics d’influence en cours depuis 2008. De même, la majorité parlementaire et le parti présidentiel restent inchangés, et les députés qui ont soutenu pendant une décennie un chef de l’État que tout le monde savait corrompu sont toujours au Parlement.

À ces affaires s’est ajouté, dans l’enquête de la police chargée de la répression des infractions à caractère économique et financier, le cas de l’érudit Cheikh Aly Ridha Ould Mohamed Naji al-Saidi, alias Cheikh al-Ridha, auteur d’arnaques immobilières à répétition sous le second mandat d’Abdel Aziz. Souvent identifié comme « le marabout d’Aziz », ce savant a profité de sa proximité avec le pouvoir et de son autorité religieuse pour mettre en place un montage financier frauduleux (une pyramide de Ponzi) qui bénéficiait aux membres de la famille du président5. Son mode opératoire, répété de nombreuses fois : acquérir un bien immobilier à un prix d’achat exorbitant, dont une petite partie était réglée immédiatement, le reste étant soumis à crédit. Le reste de la somme n’était en réalité jamais versé, et entre-temps, le bien immobilier était bradé pour permettre de réitérer l’opération durant plusieurs années – au point que l’on parle de « décennie Ridha ». Au moins 8 900 familles auraient été abusées par celui que l’on appelle déjà, dans le pays, le « Madoff mauritanien », pour des opérations évaluées à 9 milliards d’ouguiya (environ 240 millions de dollars). Sous Abdel Aziz, le gouvernement a refusé de lancer une enquête suite aux accusations de fraude, la police s’est attaquée aux manifestants devant le palais présidentiel, et le président est resté muet devant les allégations.

Comment interpréter la procédure judiciaire en cours contre l’ancien président, sinon d’abord et avant tout comme une manœuvre politique destinée à écarter son éventuel retour sur la scène politique ? De fait, les entraves à son retour sont constantes et parallèles à la procédure judiciaire, à commencer par la fermeture par la police le 12 août 2020 du siège du Parti unioniste démocratique et socialiste, que l’ancien président souhaitait utiliser pour réintégrer la scène politique La raison invoquée : le ministère de l’Intérieur n’avait pas été préalablement informé de la tenue du congrès de ce parti, ni des changements intervenus sur sa composition, contrairement à ce qu’impose la loi. Abdel Aziz a par la suite été écroué, le 22 juin, sur décision du juge chargé de l’enquête pour corruption – à la suite de quoi l’ancien chef d’État dénonçait un « règlement de comptes ». Même si sa culpabilité est peu remise en question dans la sphère partisane, le parallélisme des calendriers politiques (autour de ses tentatives de retour) et judiciaire a de quoi laisser perplexe quant aux motivations réelles de l’enquête. D’autant que le pouvoir en place n’accompagne pas la procédure en cours d’un discours anti-corruption particulièrement marquant. Dans une récente interview pour France 24, en date du 31 juillet 2021, Ghazouani affirmait même ne pas avoir pris connaissance du rapport d’enquête de la commission parlementaire, et ne pas souhaiter se mêler d’un dossier traité par la Justice. L’instrumentalisation de l’affaire Abdel Aziz au profit d’une politique nationale résolue contre la corruption ne semble donc pas vraiment à l’ordre du jour.

Mouvements de contestation du système social dispersés : droits des minorités, égalité, démocratie, laïcité

L’élection du nouveau président a été susceptible de déclencher quelques espoirs de changements au sein des diverses organisations de la société civile, dont on avait pu observer le dynamisme au moment de l’alternance. Mais le constat deux ans après semble plutôt devoir être celui d’une dispersion de la contestation, tant sur le front de l’égalité et de la démocratie que sur celui de la justice sociale et de l’accès aux ressources.

De nombreuses annonces faites par le gouvernement sur des sujets attendus ont déclenché une certaine déception. On peut citer en premier lieu le régime des associations, au sujet duquel une réforme était souhaitée de longue date, et qui a fait l’objet d’un projet de loi à l’origine de beaucoup de critiques. Adopté le 11 janvier 2021 à l’Assemblée nationale, il visait à assouplir le régime de reconnaissance des associations, fondations et réseaux. Depuis, le décret d’application se fait attendre et plusieurs associations n’ont toujours pas été reconnues. Parmi elles : Touche pas à ma nationalité (Ould Ahmed Salem, 2018) et l’IRA-Résurgence du mouvement abolitionniste, organisées de longue date mais qui ne disposent toujours pas de la reconnaissance officielle par les autorités mauritaniennes, passant par l’obtention d’un numéro de récépissé.

Il semble que le texte, qui prétendait passer d’un « régime de délivrance » du récépissé à un « système de notification » ne soit toujours pas entièrement conforme aux normes internationales en vigueur sur la liberté d’association, d’après l’ONG Human Rights Watch. En l’état, il autoriserait toujours un contrôle excessif du gouvernement sur le droit des personnes de constituer ou d’opérer au sein d’associations, et donnerait le pouvoir au ministre de l’Intérieur de suspendre temporairement et sans préavis les associations (jusqu’à 60 jours). En outre, il impose aux associations un « domaine d’intervention principal » clairement défini dans leurs statuts, et de s’abstenir de toute activité politique. Il précise que « l’objet et les buts de ses activités doivent s’inscrire dans l’intérêt général et ne pas être contraires aux principes consacrés par la Constitution, aux constantes et valeurs de la République, à l’ordre public, aux bonnes mœurs ainsi qu’aux dispositions des lois et règlements en vigueur », autant de limites assez vagues, et qui ouvrent la porte à des interprétations très diverses.

Le régime des associations est emblématique du décalage permanent entre la posture des pouvoirs publics mauritaniens et les évolutions sociales, et il a pour conséquence d’exclure des organisations qui reflètent les aspirations et les revendications de leur époque. À commencer par celles qui s’organisent pour lutter contre les discriminations à l’égard des populations noires et contre l’esclavage. L’émancipation des hratin en l’occurrence, peut constituer un vecteur de changements importants : l’émergence d’une identité hratin, distincte de la communauté bidan à laquelle elle est culturellement assimilée, crée de nouveaux enjeux politiques (Pettigrew, 2021). Elle pose frontalement la question du racisme, puisque les hratin sont généralement identifiés comme noirs – du fait de leurs origines dites négro-mauritaniennes, et ce malgré le métissage avec les bidan. L’esclavage (et son héritage, la situation économique et sociale des hratin) trouverait donc sa source dans une hiérarchie sociale racialisée qui a justifié les razzias et la vente d’esclaves dans le cadre d’une traite transsaharienne. C’est sur le thème du racisme et de la discrimination à l’égard des Noirs en Mauritanie que se retrouvent bon nombre de citoyens peuls, wolofs et soninkés. Les marches annuelles, chaque 29 avril, pour soutenir le Manifeste pour les droits politiques, économiques et sociaux des Haratins ou descendants d’esclaves sont d’ailleurs l’occasion de voir des foules importantes dans les rues, comptant des composantes hratin, mais aussi bidan et négro-mauritaniennes16.

L’enjeu est d’autant plus important qu’il est transcommunautaire : la question hratin peut constituer le pivot d’une lutte nationale pour l’égalité et contre le racisme. Elle favorise par exemple les discours d’émancipation parmi les gens discriminés au sein des autres communautés. La communauté soninké est particulièrement concernée, avec plusieurs affrontements et tensions dans des localités telles que Kaédi et Moodibugu en Mauritanie, ou encore à Laani au Mali ou Koyina en Gambie, ainsi que la création de l’Association des ressortissants mauritaniens pour l’éradication des pratiques esclavagistes et ses séquelles (ARMEPES) par la diaspora soninké en France. Rien n’atteste que cette contestation d’un ordre social inégalitaire en milieu soninké ait un lien avec celle au sein du groupe des hratin, mais elle trouve naturellement un écho avec leurs revendications, d’autant plus que les hratin bénéficient de davantage de visibilité compte tenu de leur poids démographique.

Parallèlement, d’autres dynamiques locales sont à l’œuvre et potentiellement vectrices de changement sur le long terme – mais totalement déconnectées de la vie partisane. On peut évoquer les revendications des féministes ou des militantes des droits des femmes, qui se sont focalisées ces dernières années sur l’adoption d’une loi contre les violences faites aux femmes. Une plateforme de militantes a été mise en place en 2016, comptant dans ses rangs des personnalités telles que Aminetou Mint Moktar et Zeinebou Mint Taleb, l’avocate Fatimata Mbaye, ou encore Sektou Mohamed Vall. Pour autant, force est de constater qu’au-delà de cette coalition ponctuelle, les collaborations entre militantes des droits des femmes sont rares et laissent plutôt la place aux querelles de personnes. Les tentatives, ces dernières années, de mouvements de jeunes se revendiquant ouvertement du féminisme, sont d’autant plus rares qu’elles se cantonnent généralement à des discussions et publications sur les réseaux sociaux et qu’elles finissent le plus souvent par éclater en raison de dissensions internes. Malgré plusieurs cas d’agression sexuelle et de viol dénoncés dans l’espace public pendant la première moitié de la mandature Ghazouani et le début de la crise du Covid, ce projet de loi contre les violences à l’égard des femmes reste lettre morte (Evrard et Pettigrew, 2020).

Devant ces dynamiques, même modestes, on notera que le régime n’a pas vraiment desserré le contrôle policier qui constituait la norme sous la mandature précédente, souvent pour faire taire toute opposition au système social, sous couvert de respect de la religion et de défense des valeurs morales. Cette stratégie avait déjà été utilisée à l’occasion de l’affaire du blogueur Mohamed Ould M’kheitir, arrêté en 2014 pour la publication en ligne d’un article considéré comme blasphématoire à l’égard du prophète de l’islam, condamné à mort par plusieurs tribunaux avant de voir sa peine ramenée à deux ans de prison en 2017 et d’être libéré en 2018 (Villasante Cervello, 2017 ; Diagana, Lesourd et Antil, 2016). Au mois de février 2020, quatorze personnes, parmi lesquelles des militants des droits humains, ont été arrêtées, probablement pour avoir exprimé des opinions favorables à la laïcité18. Quatre ont été libérées sous caution, et dix sont restées en cellule plusieurs semaines. Les interpellations auraient ciblé des membres de deux mouvements (Pour une Mauritanie laïque et démocratique et Alliance pour la refondation de l’État mauritanien), non reconnus par les autorités et qui revendiquent un système gouvernemental laïque. Le 20 octobre 2020, cinq Mauritaniens ont finalement été condamnés à de la prison ferme (de six à huit mois) par le tribunal de Nouakchott pour outrage aux mœurs islamiques (après huit mois d’incarcération). Accusés de blasphème par l’unité en charge du terrorisme et des crimes contre la sécurité de l’État au bureau du procureur général de Nouakchott, ils encouraient la peine capitale, conformément à l’article 306 du Code pénal.

Plus récemment, on peut citer l’affaire de l’émission Web Elmetrouch (ce qui signifie littéralement « l’intrusif », « le curieux », en hassaniya). Durant l’émission, mise en ligne la veille au soir, la militante Aichetou Isselmou s’était exprimée sur le caractère intime de la sexualité et s’était permise de relativiser la gravité des rapports sexuels hors mariage et l’importance de la virginité. Dans une seconde séquence, un invité membre fondateur du mouvement non-autorisé Pour une Mauritanie laïque et démocratique, Yehdhih Ould Mohamed, argumentait au sujet de la séparation du religieux et du politique. Cette émission, lancée en période de Ramadan, a notamment suscité l’indignation parmi les sympathisants du parti islamiste Tawassoul, qui ont lancé une campagne d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux. Quatre des jeunes activistes ont été arrêtés le 25 avril 2021 par la police de Nouadhibou. Devant la fragilité des charges invoquées aux dépends des prévenus, leur libération a été ordonnée le 28 avril suivant, avec injonction de ne plus aborder le thème dans l’émission, de s’abstenir de voyager sans en informer la police et de ne plus commettre une parole ou un acte susceptible d’être interprété comme « outrage public à la religion ». Suite à leur remise en liberté, une organisation proche de Tawassoul a organisé, à la sortie de la prière du vendredi, une manifestation de rue sous le slogan Lā lilabāḥīa («  non au laxisme envers les attitudes déviantes  »). Un rassemblement qui a reçu l’agrément légal sans difficulté, en dépit des mots d’ordre de haine et des appels au meurtre, ainsi que des menaces sur l’intégrité morale et physique des quatre jeunes. Surtout, suite à leur libération, les quatre militants (et plus particulièrement Aichetou Isselmou) ont fait l’objet de harcèlement moral et ont tous perdu leur emploi ou leur gagne-pain. D’après la militante féministe Dieynaba Ndiom, « cette affaire montre la capacité des islamistes à faire envoyer n’importe qui en cellule, sous prétexte de non-respect des valeurs islamiques ».

Accès aux ressources naturelles, accaparement des terres, et protestations diverses peu écoutées
Sur le front de la contestation sociale, l’échec du gouvernement a pris des formes variées. Dans le paysage des mobilisations qui pourraient porter les graines d’un mouvement social unifié, divers catalyseurs sont à l’œuvre : foncier, pêche artisanale, accès à l’eau et à l’électricité, sans oublier le dossier non soldé des violences et assassinats de 1989-1991.

Il faut noter la persistance d’un enjeu fort de protestation contre les pouvoirs publics autour de la question foncière dans la vallée du fleuve Sénégal. Désertique ou semi-désertique sur les trois quarts de son territoire, la Mauritanie dispose toutefois de nombreuses terres arables autour du fleuve Sénégal, aujourd’hui sous-exploitées mais qui suscitent depuis longtemps des convoitises (Choplin et Ould Bah, 2018). La faible productivité des exploitations agricoles, ajoutée aux périodes de sécheresse, a contribué à créer une situation structurelle et chronique d’insécurité alimentaire. Plusieurs facteurs peuvent être identifiés, comme la divagation animale, ou encore la dégradation des terres non inondables (qu’on appelle aussi « terres de diéri », en halpulaar). Ces terres de diéri sont caractérisées, autour du fleuve Sénégal, par un tissu végétal insuffisamment dense pour retenir le sol et empêcher les ravinements. Surtout, le niveau d’investissement (public ou privé) dans l’agriculture est très faible en Mauritanie.

Profitant de ces faiblesses structurelles, on observe une politique d’accaparement des terres de la vallée depuis plusieurs années, menée par l’État mauritanien ou par des hommes d’affaires mauritaniens ou des pays du Golfe (avec la bénédiction des autorités). Ils s’appuient pour cela sur les difficultés des producteurs locaux à fournir des titres de propriété – dans un pays où le régime de propriété privée, hérité du droit colonial français, contredit bien souvent le droit traditionnel suivant lequel la propriété est collective, d’appartenance familiale ou tribale (Ba, 1991 ; Leservoisier, 1994).

Alors que cette politique d’accaparement des terres avait semblé à l’arrêt depuis la fin du second mandat d’Abdel Aziz, les tensions ont refait leur apparition sur la question foncière. Au mois de septembre 2020, plusieurs milliers de paysans des communes de Dar El-Barka et Ould Birem, dans la wilaya du Brakna, se sont mobilisés pour faire échec à un projet agricole initié en 2015. Ce projet, qui concernait 3 200 hectares de terres, semblait à l’arrêt depuis lors en raison de la contestation qu’il avait fait naître ; mais il a repris de plus belle en 2020 suite à l’arrivée de machines pour l’aménagement des terrains. Il opposait notamment l’Autorité arabe pour l’investissement et le développement agricoles (AAAID) à des groupes de paysans des deux communes. Le mouvement de protestation s’est avéré payant : au mois de juin 2021, le gouvernement mauritanien a finalement annulé la concession des 3 200 hectares accordée à l’AAAID, et déclaré que dorénavant les réformes foncières prendraient en compte les communautés locales, au même titre que les investisseurs potentiels.

La problématique de l’accaparement des terres est d’autant plus sensible qu’elle fait écho à deux échecs du gouvernement. Un échec sur le front environnemental tout d’abord, avec le piétinement du projet de Grande muraille verte. Ce rideau de verdure, d’une largeur moyenne d’une quinzaine de kilomètres et destiné à s’étirer sur près de 7 800 kilomètres du Sénégal jusqu’à Djibouti pour enrayer la dégradation des terres et la désertification, ne serait réalisé qu’à hauteur de 4% (sur les 11,7 millions d’hectares visés d’ici à 2030). C’est ce qu’a révélé en septembre 2020 le premier rapport d’évaluation commandé par la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification. Et les efforts des uns et des autres pays sont très hétérogènes. Seuls le Sénégal et l’Éthiopie en ont fait des priorités nationales. En Mauritanie, mais aussi au Mali, au Nigeria ou à Djibouti par exemple, les actions se résument à quelques milliers d’hectares de reboisement… presque vingt ans après son lancement officiel en 2002, et malgré plusieurs centaines de millions de dollars mobilisés. En cause : l’absence de portage politique de haut niveau, le manque de moyens humains et financiers des ministères de l’Environnement. Cet ambitieux programme, qui associe les onze pays de la bande sahélienne, ne se résume pourtant pas à un agenda environnemental. Il s’agit d’un ambitieux projet de restauration écologique au service de la lutte contre la pauvreté. Symboliquement, l’échec de ce programme (dont l’Agence panafricaine est installée à Nouakchott) est l’illustration de l’incapacité du régime mauritanien à proposer un projet économique et social qui permettrait tout à la fois de respecter l’environnement et les populations autochtones de la vallée du fleuve Sénégal. Et accessoirement d’assurer l’autonomie alimentaire et de réduire les effets des changements climatiques.

En octobre 2020, c’est la fronde des pêcheurs qui a fait l’actualité. Leurs revendications partaient d’une question bien précise : les pêcheurs artisanaux, qui ont tenu un sit-in le 23 octobre devant le ministère des Pêches et de l’Économie maritime, dénonçaient l’usage du filet de pêche mono-filament dans les eaux mauritaniennes. Sauf que cet épisode a été l’occasion de mettre en lumière les conditions difficiles du métier et d’amener d’autres revendications. Les pêcheurs ont ainsi demandé quelques mesures concrètes pour pérenniser les ressources halieutiques (fortement convoitées par les marines européennes et asiatiques), la mise en place d’une mutuelle et l’octroi de l’assurance-maladie, ou encore la fin de l’exigence des pièces d’identité en remplacement des badges – une mesure qui a un effet discriminatoire sur les étrangers en situation irrégulière et sur les Mauritaniens (essentiellement hratin et négro-mauritaniens) accusant des difficultés à avoir leurs papiers (Alonso Cabré, 2019). Sur ce dossier, aucune concession de l’exécutif hormis quelques vagues déclarations et l’envoi de forces anti-émeutes.

Enfin, de plus en plus souvent, des citadins des diverses régions du pays manifestent contre les délestages répétés et les coupures d’eau dans leurs villes, devenus de plus en plus fréquents. De même, lorsque des habitants protestent, au premier trimestre 2020 à Tiwilit dans la wilaya du Trarza, contre le dépôt d’ordures en provenance de la capitale, les autorités publiques répondent par l’intervention musclée des forces de l’ordre. À cheval entre questions sociales et politiques, on peut également évoquer le dossier des veuves et orphelins des 28 militaires exécutés par pendaison le 28 novembre 1990 (jour de la fête nationale), accusés de tentative de coup d’État dans la foulée des évènements et nettoyages ethniques de 1989 (N’Diaye, 2021). Le 29 novembre 2020, alors que le Collectif des veuves et orphelins manifestait pour leur rendre hommage et demander l’annulation de la loi d’amnistie adoptée en 1993, 42 personnes sont arrêtées par les forces de l’ordre. Le prétexte énoncé est que la manifestation n’était pas autorisée. Une réaction qui met là encore en lumière l’incapacité des pouvoirs publics à répondre à des revendications qui semblent pourtant raisonnables.

Des rapports de force défavorables à l’opposition politique et à la société civile sans convergence des luttes

Paradoxalement, alors que l’exécutif se fait attendre pour répondre à toutes ces problématiques, l’opposition ne semble pas au rendez-vous pour répondre au mécontentement social. À l’inverse, depuis la campagne présidentielle qui avait vu se coaliser des forces d’opposition diverses – sans doute motivées par l’espoir de forcer le candidat du régime à un second tour – on observe un émiettement de ces mêmes forces. À commencer par le mouvement IRA-Résurgence du mouvement abolitionniste. Depuis l’élection présidentielle de 2019 au cours de laquelle Biram Dah Abeid, président de l’organisation, était arrivé en deuxième position avec 18,6 % des voix, l’IRA a connu pas moins de deux vagues de défections au sein de ses rangs y compris des responsables de premier plan et des cadres reconnus pour leur engagement au sein du mouvement. Le 15 août 2020 d’abord, plusieurs membres ont annoncé leur retrait dans un communiqué, en raison de la situation générale des mouvements de l’IRA et du parti de la Refondation pour une action globale (RAG), l’aile politique de l’IRA. Ils y dénoncent une concentration des prises de décision par la direction du mouvement, le caractère arbitraire des décisions, le flou de la vision et des changements d’orientation s’agissant des droits humains30. Le 16 février dernier, ce sont une dizaine de responsables qui ont également annoncé, lors d’une conférence de presse, leur intention de démissionner et de créer un mouvement politique distinct de l’IRA31. Leur motif : le rapprochement avec le pouvoir initié par Biram depuis l’arrivée au pouvoir du président Ghazouani. Parmi les démissionnaires : Balla Touré, qui est resté plus de dix ans secrétaire général du parti RAG, ou encore Biram Ould Bilal Ramadan, ancien vice-président de l’IRA, qui avait été emprisonné avec Biram Dah Abeid durant 18 mois de 2015 à 2016.

Du côté de l’Union des forces du progrès (UFP), héritier du mouvement kadihine des divergences existent depuis 2013, avec la décision du président du parti Mohamed Ould Maouloud de boycotter l’élection présidentielle de l’année suivante. Candidat à l’élection présidentielle de 2019, il n’a obtenu que 2% des voix. Une ligne dissidente, qui s’opposait à la stratégie du boycott en 2013, réunit plusieurs cadres du parti, parmi lesquels le secrétaire général Moustapha Ould Badreddine (mort en 2020) et la vice-présidente et parlementaire Kadiata Malick Diallo. En 2019, certains dissidents ont été suspendus pour trois mois pour « manque de discipline ». Des discussions seraient en cours autour de la création d’un nouveau parti par le groupe minoritaire, se revendiquant des idéaux de gauche hérités des kadihines, mais elles piétinent depuis plusieurs années.

Dans un autre pan de l’opposition politique, on assiste depuis l’élection présidentielle à une dissension au sein de la Coalition vivre ensemble (CVE), qui avait présenté un candidat unique en la personne de Kane Hamidou Baba, arrivé quatrième avec 8,7 % des suffrages exprimés. Cette coalition est née après les élections législatives de septembre 2018 et regroupe un ensemble de formations politiques qui souhaitaient travailler sur la question foncière, sur l’esclavage, sur les droits humains, sur le passif humanitaire, ou encore sur le régime politique. De fait, la coalition regroupe essentiellement des formations à composante majoritairement négro-mauritanienne, mais pas uniquement (par exemple le parti Front populaire). Elle est donc parvenue à présenter un candidat, Kane Hamidou Baba, issu du mouvement pour la refondation (MPR) – et ce malgré des tensions au moment de sa désignation, face à la candidature de Samba Thiam, membre des Forces progressistes pour le changement (FPC).

Rapidement après l’élection présidentielle, des dissensions sont apparues, au point de provoquer une scission de la coalition. D’une part, au sein de ce qui reste de la CVE, on trouve aujourd’hui le MPR de Kane Hamidou Baba et quelques organisations mineures tel le parti L’Union pour la réconciliation des communautés en Mauritanie (Dental Kaaldigal Leƴƴi Muritani, DEKALEM). De l’autre, une nouvelle plateforme d’organisations, la Coalition vivre ensemble/Vérité et réconciliation (CVE/VR), réunit les partis et mouvements dissidents de la CVE, tels que le FPC, l’Alliance pour la justice et la démocratie/Mouvement pour la rénovation (AJD/MR), ou encore Touche pas à ma nationalité. Interrogée le 14 juin 2021 à Nouakchott, Dieynaba Ndiom, membre du parti FPC, explique ainsi cette rupture au sein de la coalition : « Notre erreur, je pense, est de ne pas avoir structuré la coalition avant l’élection présidentielle, en désignant une personne à la présidence tournante, pour distinguer le candidat à la présidentielle de la direction de la CVE sur le long terme. Pour nous, la présidentielle n’était qu’une étape ».

Une expérience locale a pourtant bien suscité certaines attentes. Il s’agit de la mairie de Sebkha, l’une des communes de Nouakchott, historiquement opposante au pouvoir central national. L’élection municipale de 2018 y a permis la victoire d’Aboubacar Soumaré (dit AKA) sous l’étiquette de l’Avant-garde des forces de changement démocratique (l’AFCD), un parti d’opposition. Novice en politique, il s’était fait connaître dans la commune par des actions auprès des habitants et auprès des jeunes (notamment pompage des eaux durant les pluies et construction du stade Arena). Ingénieur de formation, métisse issu de la communauté soninké, son élection avait cela d’atypique qu’elle ne répondait pas à une logique communautaire mais d’abord et avant tout à des attentes concrètes des habitants quant à l’amélioration de leurs conditions – dans un territoire stigmatisé au sein de Nouakchott, qualifié de « ghetto » par ses résidents et réputé pour son insécurité chronique et grandissante.

Mais la dynamique attendue n’a pas été au rendez-vous. Plusieurs facteurs sont en cause : la déception des jeunes suite au soutien d’AKA à l’élection de Ghazouani en 2019, l’opposition systématique du ministère de l’Intérieur et du hakem (le préfet) aux initiatives du nouveau maire de Sebkha, l’incapacité de ce dernier à faire annuler les contrats de gestion du marché central du quartier dit Cinquième et du marché des pêcheurs au profit de la mairie, la crise du Covid-19 qui a fortement ralenti les revenus de la mairie, etc. Devant les difficultés qui caractérisent son mandat municipal, la candidature d’AKA à un deuxième mandat est loin d’être garantie. En outre, le maire de Sebkha n’a jamais exprimé d’ambitions nationales, et il n’y a pas de demande citoyenne dans ce sens. Le plus probable est donc que cette expérience constitue une parenthèse sans suite dans la vie locale à Nouakchott.

Ainsi, le semblant de stabilité observé en Mauritanie paraît d’autant plus fragile que des évolutions du contexte économique et social sont en cours, mais qu’elles ne semblent ni réellement anticipées ni structurées autour d’une vision politique cohérente. Entre outre, les crises de cette dernière année révèlent les faiblesses du tissu économique local et, ajoutées aux impacts de la pandémie de Covid-19, elles pourraient entraîner mécontentements et instabilité à l’occasion de nouveaux épisodes similaires. La poursuite d’une politique économique fondée sur les revenus des grands projets extractifs – dépendants d’infrastructures et de main d’œuvre qualifiée permises par des capitaux étrangers – n’est d’ailleurs pas pour donner des gages de durabilité.

Parmi les reconfigurations en cours, on notera que l’or est passé en tête des exportations de la Mauritanie en 2020, devant le fer et le poisson, en termes de revenus de devises fortes. C’est ce que révélait le rapport économique et financier joint au projet de loi de finances pour l’année 2021, qui mettait par ailleurs en lumière une baisse des revenus tirés du fer, du poisson et du cuivre. La perspective de l’exploitation du grand champ de gaz naturel « Grand Tortue / Ahmeyim-GTA », partagé entre la Mauritanie et le Sénégal et qui devrait démarrer en 2023, annonce encore d’autres bouleversements. La production annoncée est, à terme, de dix millions de mètres cubes par an sur une dizaine de puits, pour près de 90 milliards de dollars de revenus sur la période d’exploitation (qui devrait s’étaler sur une vingtaine d’années). Sauf qu’à l’image d’autres pays rentiers tels que le Nigeria, l’Algérie ou l’Angola, qui ont bénéficié de revenus conséquents sans s’attaquer aux dysfonctionnements de l’économie réelle et à la corruption, il est probable que les revenus du gaz viennent d’abord et avant tout renforcer le régime et ses élites. Et avec lui, la brutalisation d’une société inégalitaire, avec une hausse des prix, une progression de la ségrégation urbaine et de phénomènes de marginalisation (mendicité, criminalité et prostitution). Sans compter les convoitises qu’entraîne une telle ressource, dans une région déjà marquée par l’instabilité et les tensions sur les ressources naturelles.

Relations extérieures : L’engagement sahélien et ouest-africain de Ghazouani, une continuité qui paye ?
Le président Ghazouani a hérité d’un État dont la politique étrangère a été profondément réorientée par son prédécesseur Abdel Aziz, en particulier à l’égard des voisins sahéliens. Si ce virage a offert l’opportunité d’exercer une certaine influence régionale, le contexte a évolué depuis et c’est désormais à Ghazouani de piloter la continuation d’un engagement ouest-africain qui n’est pas sans risques ou coûts pour le pays.

Le mot d’ordre mis en avant par Abdel Aziz au moment de sa prise de pouvoir en 2008 était la lutte contre la menace terroriste – un choix qui s’était d’abord traduit par des actions sur le plan intérieur (Antil et Lesourd, 2009). Puis, confronté à l’étendue régionale du djihadisme sahélien, Abdel Aziz s’était investi dans une diplomatie active envers ses voisins ouest-africains, et notamment dans la création, début 2014, du G5 Sahel, regroupant la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad (Antil, 2018 ; Desgrais, 2019). Son engagement personnel avait été central dans cette nouvelle stratégie. Comme on l’a noté plus haut, Ghazouani est loin d’être étranger à ces questions vu sa longue expérience au sein de l’armée et à proximité du pouvoir.

En 2021, à peine deux mois après sa dernière visite à N’Djamena pour le sommet du G5 Sahel, Ghazouani retourne dans la capitale tchadienne le 23 avril, cette fois-ci pour les obsèques d’Idriss Déby Itno. En marge de la cérémonie funéraire, le chef d’État mauritanien et son collègue nigérien Mohamed Bazoum entament une médiation visant à convaincre la nouvelle junte tchadienne d’engager un dialogue avec la classe politique, y compris les partis d’opposition, et la société civile43. Cela illustre le rôle diplomatique que peut jouer la Mauritanie dans le contexte du Sahel d’aujourd’hui, et surtout au sein du G5. Pour un pays qui se situe aux marges du monde arabe – une réalité aussi diplomatique que géographique – mais qui reste réticent à pleinement réintégrer les structures politiques de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le G5 fournit une arène diplomatique et politique : la Mauritanie peut y jouer un rôle de premier plan. Elle y a d’autant plus intérêt que sa position entre Algérie et Maroc reste bien fragile, et que ses relations privilégiées avec les pétromonarchies du Golfe ne sont pas à toute épreuve.

À la tête du G5 Sahel

Moins de six mois après son accession au pouvoir à Nouakchott, Ghazouani hérite de la présidence tournante du G5 Sahel – à partir du sommet de Pau du 13 janvier 2020, au cours duquel les chefs d’État du G5 rencontrent les leaders européens et le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Ce rôle de président du groupement sahélien l’aide à construire une image et une influence personnelle sur l’agenda diplomatique et sécuritaire. Le contexte est des plus difficiles après une vague d’attaques djihadistes fin 2019 qui coûtent la vie à des centaines de soldats, maliens et nigériens pour la plupart, mais aussi français. Le sommet marque la conclusion d’une série de discussions entre gouvernements sahéliens et ouest-africains et leurs partenaires internationaux, pour réorienter la stratégie contre les groupes djihadistes – et coïncide avec une reconnaissance généralisée des faiblesses de la force conjointe du G5. Il paraît alors urgent pour Ghazouani de s’engager pleinement sur ce dossier. Il avait été invité avec le président tchadien Déby au sommet sur la sécurité de l’organisation ouest-africaine le 14 septembre 2019 à Ouagadougou ; d’autres rencontres suivent, et les décisions qui en émergent confirment la CEDEAO dans le rôle de leader politique de la stratégie pour contrer la menace djihadiste, tout en laissant la force militaire conjointe du G5 au cœur de la réponse militaire – en partenariat avec la France et un nouveau dispositif, la Force Takuba, constituée de forces spéciales de plusieurs pays européens47. En tant que président du G5, Ghazouani se trouve au centre des discussions et de la coordination avec les partenaires internationaux. Si le G5 est poussé à s’effacer pour laisser la première place à la CEDEAO, la Mauritanie, n’étant pas membre de plein droit du bloc ouest-africain, risquerait de voir sa voix marginalisée. Ghazouani saisit donc l’opportunité de participer à ces débats et de réaffirmer le rôle central qu’il entend continuer de jouer dans la gestion de la crise sahélienne.

Le ton et le style consensuels de Ghazouani semblent également faire bon ménage avec la culture de gestion collective enracinée dans les stratégies diplomatiques ouest-africaines au sein desquelles les pays membres du bloc régional ont chacun leur mot à dire sur les décisions politiques. Si la Mauritanie se trouve aux marges de la géopolitique des mondes maghrébins et arabes, elle a en revanche une position centrale au Sahel. En effet, bien qu’elle ait réussi à juguler la menace des groupes djihadistes sur son propre territoire, elle continue d’être directement touchée par la crise qui s’étend désormais au Sahel central, avec un risque que la violence déborde du centre et de l’ouest du Mali et devienne une crise humanitaire régionale. Actuellement, plus de 63 600 réfugiés maliens habitent Mbera, camp de réfugiés géré par l’UNHCR à proximité de Bassikounou, dans la région du Hodh Ech Chargui. L’organisation onusienne propose des programmes de formation professionnelle pour les jeunes et les habitants locaux, signe que beaucoup de ces réfugiés sont susceptibles de devenir des résidents à long terme, étant donné les obstacles à la paix dans leur propre pays50.

Si les armées malienne et mauritanienne collaborent depuis longtemps dans des opérations contre les djihadistes, notamment dans la forêt du Wagadou (du côté malien de leur frontière commune), les relations ont connu des moments de tensions. Le partenariat a été sporadiquement entravé par la méfiance, la Mauritanie considérant que les forces maliennes étaient peu fiables, tandis que certains responsables politiques à Bamako soupçonnaient Nouakchott d’avoir fermé les yeux sur les groupes armés tant qu’ils laissaient tranquille le territoire mauritanien. En 2013, le Mali a rejeté une offre mauritanienne d’envoyer des troupes à la MINUSMA, l’opération de maintien de la paix au Mali des Nations unies. L’année suivante, la méfiance commence à se dissiper avec la création du G5 : un climat de confiance s’installe, illustré par l’accord nommant le général mauritanien Hanena Ould Sidi commandant de la force conjointe de juillet 2018 à juillet 2019. Ghazouani nomme ensuite Ould Sidi au poste de ministre de la Défense où ce dernier peut jouir de son expérience et de ses réseaux sahéliens.

Une décision récente d’intensifier les opérations de la force conjointe du G5 dans le « fuseau ouest » mettra à l’épreuve la capacité des deux pays à traduire sur le terrain cette confiance, bien que la prise du pouvoir par des militaires maliens le 18 août 2020 ne semble pas avoir sérieusement perturbé ces relations. Toutefois, à cette occasion, Ghazouani s’est retrouvé en posture de simple spectateur alors que la CEDEAO négociait avec les putschistes maliens pour un retour aux élections démocratiques début 2022 ; de la même façon, lorsque le leader putschiste Assimi Goïta a réaffirmé son autorité personnelle en se déclarant président de la transition en mai 2021, ce sont les voisins membres à part entière de la CEDEAO qui ont négocié un nouveau compromis.

La CEDEAO, le Sénégal et les perspectives des partenariats régionaux

La diplomatie formulée sous Abdel Aziz comportait aussi un volet économique avec la conclusion, en 2017, d’un accord d’association avec la CEDEAO ; une relation plus approfondie avec les pays ouest-africains semblait alors offrir des opportunités économiques pour la Mauritanie – par exemple, le port de Nouakchott pouvait devenir une nouvelle porte d’entrée pour le Mali et le Burkina Faso enclavés. En coopérant avec la CEDEAO, le pays renforçait son poids dans la diplomatie du commerce et du développement au moment où l’organisation essayait d’accélérer son progrès, jusqu’ici hésitant, vers la création d’un marché régional unique, inspiré en partie du modèle européen. Les questions économiques, notamment le développement du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), à cheval sur la frontière entre les deux zones maritimes d’intérêt économique sénégalaise et mauritanienne, avaient aussi été au cœur du rapprochement de la Mauritanie avec le Sénégal sous Abdel Aziz. Particulièrement après l’élection du Président sénégalais Macky Sall en 2012, une coopération bilatérale était entamée. Cette relation à plusieurs voies parallèles n’était pas sans contentieux mais toujours portée par la reconnaissance mutuelle du fait qu’une coopération approfondie soit dans l’intérêt de chacun. La logique d’intérêts partagés avait été largement renforcée par la découverte, par Kosmos Energy, du gisement GTA annoncé en avril 2015. Il était évident que l’exploitation de ce gisement ne serait viable qu’en étant conçue comme projet unique avec des infrastructures construites comme un tout (Melly, 2019).

Alors qu’Abdel Aziz s’était opposé à l’intégration du Sénégal dans le G5 Sahel, Ghazouani se démarque nettement : dans sa capacité de président sortant du G5, il invite Macky Sall à participer au sommet de N’Djaména en février 2021. Lors de son déplacement dans la capitale tchadienne pour participer à cette réunion, Sall verse un milliard de francs CFA (1,5 million d’euros) au secrétariat, pour subventionner les dépenses de fonctionnement. Il promet en outre que l’armée sénégalaise s’engagera aux côtés de la Mauritanie et du Mali dans le « fuseau ouest » de la force conjointe. La participation sénégalaise au sommet a été le fruit d’une diplomatie mauritanienne peu remarquée au plan international mais qui représente un changement d’attitude significative de la part de Nouakchott.

Si le G5 a déjà fourni à la Mauritanie un cadre d’action sahélien, Ghazouani perçoit aussi les avantages d’un engagement approfondi avec toute l’Afrique de l’Ouest. Et les liens renforcés avec le Sénégal pourront peut-être y contribuer. Il continue donc à investir la dimension politique et sécuritaire de cette stratégie régionale – une attitude pragmatique.

L’évolution future du G5 pose des questions importantes par rapport à la stratégie politique de Ghazouani et à l’engagement mauritanien avec le Sahel et l’Afrique de l’Ouest plus généralement. Alors qu’Abdel Aziz avait été un acteur central dans la création et les premières années du G5, les forces mauritaniennes n’ont jamais joué un rôle de première ligne très important. Cela pourrait changer dans le secteur ouest de la force du G5 à partir de la mi-2021.

Aujourd’hui, Mohamed Bazoum, successeur de Mahamadou Issoufou à la présidence du Niger en avril 2021, s’impose comme acteur central dans la région. Fort de sa longue expérience des questions sécuritaires, de ses fonctions précédentes de ministre des Affaires étrangères puis de ministre de l’Intérieur, il soutient fermement la nouvelle stratégie de la France de réduire ses effectifs à environ 2 500 à 3 000 soldats pour laisser aux forces sahéliennes la majeure partie de la responsabilité militaire sur le terrain. Lors du sommet virtuel France-G5 du 9 juillet 2021, Macron a expliqué que la capitale nigérienne serait le nouveau siège général pour la présence militaire française au Sahel. Par ailleurs, Bazoum se dit ouvert à l’élargissement éventuel du G5, idée que partage Ghazouani.

Pendant la mandature d’Abdel Aziz, le G5 avait fourni à la Mauritanie un cadre de coopération en matière de sécurité aussi bien qu’un profil politique plus large. Mais, si l’organisation reste fermement cantonné dans l’agenda sécuritaire, Ghazouani conclura qu’il y a plus d’avantages à ramener son pays dans le giron politique de la CEDEAO. Le G5 ne rivalise pas avec la CEDEAO comme entité économique ou politique, puisque trois pays – le Mali, le Burkina et le Niger – sont membres des deux structures. La Mauritanie restera peut-être réticente à pleinement réintégrer le bloc ouest africain, car cela l’obligerait à accepter aussi les règles de libre circulation des personnes à l’intérieur du bloc. Malgré le chemin déjà parcouru par la Mauritanie vers une intégration plus poussée avec le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, un retour dans la CEDEAO signalerait une avancée importante au moment où l’organisation réaffirme ses ambitions en fixant 2027 comme date de lancement d’une monnaie unique pour toute la région.

La voix du Sahel dans les pays du Golfe ?

Sur un front où Ghazouani aurait pu exercer une influence particulière, il subit en revanche des frustrations. En 2017, lorsque les leaders du G5 avaient décidé de créer une « force conjointe » pour combattre les groupes djihadistes, l’Union européenne et la France avaient mobilisé des partenaires internationaux pour financer la force, à hauteur de 414 millions d’euros – dont 100 millions promis par l’Arabie Saoudite et 30 millions promis par les Émirats Arabes Unis. Presque deux ans plus tard, lors du sommet de Pau, les leaders du G5 affirment en public n’en avoir reçu que 10 millions. Il y a alors un espoir que Ghazouani – en tant que président d’un pays membre de la Ligue Arabe et bien connecté aux pays du Golfe – puisse convaincre Riyadh et Abou Dhabi de décaisser ces sommes promises (Warren, 2021 ; Ould Ahmed Salem, 2021). Sous Abdel Aziz, la Mauritanie s’était positionnée comme allié fiable du régime saoudien, au point que le pays avait accueilli le Prince héritier Mohammed bin Salman fin 2018 après l’assassinat si controversé du journaliste Jamal Khashoggi. Précédemment, Nouakchott avait offert d’envoyer des contingents militaires pour aider les Saoudiens à gérer leur intervention militaire au Yémen.

Après son élection mais avant sa prise de fonctions, Ghazouani s’était déjà rendu à Riyadh en juillet 2019, pour assurer les Saoudiens qu’il maintiendrait ces liens de soutien et d’amitié. En février 2020, quelques semaines après son retour du sommet de Pau, Ghazouani voyage aux Émirats, où il est l’invité du prince héritier Mohammed bin Zayed. Au retour d’Abou Dhabi, il ramène la promesse de 2 milliards de dollars de financement pour des programmes de développement en Mauritanie. Il retourne ensuite à Riyadh, mais ses efforts diplomatiques ne produisent pas l’effet désiré, c’est-à-dire la confirmation que les EAU et l’Arabie Saoudite vont honorer les promesses de financements pour la force du G5. Il n’y a aucune raison de penser que le blocage est lié au changement de président en Mauritanie – les 120 millions d’euros restants n’avaient pas été payés lors de la présidence d’Abdel Aziz non plus. Mais cette affaire illustre les limites étroites de l’influence à laquelle la Mauritanie peut prétendre au Moyen Orient et poussera peut-être Ghazouani à s’investir encore plus dans la stratégie sahélo-ouest-africaine héritée de son prédécesseur.

Sahara, Algérie et Maroc

L’année 2020 voit également le démarrage d’une nouvelle phase dans l’évolution du conflit du Sahara occidental, qui, en marge, remet la Mauritanie une fois de plus dans une situation délicate où elle est sommée de se positionner vis-à-vis de ses voisins encombrants : Maroc, Algérie et République arabe sahraouie démocratique (RASD). Le 13 novembre 2020, cette dernière se retire du cessez-le-feu négocié par l’ONU avec le Maroc depuis 1991. La cause invoquée est le différend sur la « zone tampon » de Guerguerat, poste de contrôle frontalier entre le Sahara occidental occupé par le Maroc et le Nord mauritanien (Drury, 2019). En octobre 2020, un groupe de Sahraouis bloque la circulation sur cette route pendant 22 jours ; après que des véhicules militaires marocains ont ouvert le feu sur un sit-in non violent à la mi-novembre, le président de la RASD, Brahim Ghali, annonce un retour à la lutte armée (Solana, 2021 ; Mohsen Finan, 2020).

Le 10 décembre 2020, le président américain Donald Trump annonce sur Twitter la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, précisant : « La proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste du Maroc est la SEULE base pour une solution juste et durable pour une paix et une prospérité durables ! » (Drury, 2020). Suite à l’investiture de Joe Biden à la Maison Blanche en janvier 2021, plusieurs spécialistes appellent les États-Unis à revenir sur ce précédent, qui pourrait avoir des conséquences irréversibles sur le processus d’autodétermination revendiqué par la RASD et sans cesse affaibli. À ce stade, la reprise des armes – bien qu’il soit difficile d’en mesurer l’étendue tant les informations précises et fiables manquent – clôt une période où l’activisme sahraoui s’était reporté sur des actions non violentes et sur la mobilisation sur les questions de droits humains pour faire avancer sa position.

La reprise des hostilités au Sahara occidental entre le Maroc et le Front Polisario, et ensuite la fermeture de la frontière mauritano-marocaine provoquent des pénuries et des hausses de prix des denrées alimentaires en Mauritanie – mettant en lumière la dépendance du pays aux importations. Des bateaux sont même mobilisés pour acheminer des fruits et légumes à Nouakchott. Pendant les trois semaines de blocage des camions de marchandises et des personnes, les routiers marocains appellent à l’aide, tout comme certains Mauritaniens qui tentent d’obtenir de leur gouvernement une action de force qui dégagerait la situation. Mais Nouakchott maintient malgré les pressions diverses une position neutre : le 24 mars 2021, Ghazouani reçoit le ministre chargé des affaires politiques du Front Polisario, Bachir Mustafa Sayed, et lui réaffirme sa volonté d’éviter l’escalade dans la région. Au début de ce même mois, les médias marocains annonçaient pourtant le déploiement de troupes mauritaniennes à la frontière, pour « contrer le Front Polisario » et le blocage du point de passage de denrées commerciales par Guerguerat. Depuis le mois d’octobre 2020 et la reprise des tensions, les positions irréconciliables des gouvernements marocains et algériens se retrouvent dans les éditoriaux de leurs médias respectifs tout comme dans les prises de positions publiques sur certaines plateformes mauritaniennes. Il apparaît, malgré tout, que Ghazouani et son équipe maintiennent un état d’équilibre, poursuivant les relations diplomatiques avec ses deux voisins, mais aussi les échanges commerciaux et les projets d’infrastructures en commun.

Conclusion

À presque mi-mandat, il semble en définitive difficile de mesurer les réalisations nouvelles du Président élu depuis août 2019. On peut constater qu’à l’image de son prédécesseur, Mohamed ould Ghazouani soigne son image à l’extérieur en tâchant de rester un acteur incontournable dans la sous-région (G5 Sahel, CEDEAO, Sénégal, Maroc et Algérie). Cela, ainsi que l’importance toujours centrale donnée aux grands projets extractifs, lui permet sans doute de bénéficier d’un regard favorable de la communauté internationale alors même que ses réalisations sociopolitiques intérieures sont loin d’être convaincantes. Alors qu’il avait axé sa campagne sur la lutte contre la pauvreté, ce grand chantier n’a pas connu d’avancées à la hauteur des attentes de la population. De même, sur les sujets sociétaux (droits des femmes et des minorités, demande de démocratie, etc.) un statu quo conservateur semble demeurer. Comme ailleurs dans le monde, l’épidémie de Covid-19 donnera au régime mauritanien une raison d’expliquer ses réalisations limitées sur plusieurs fronts. Mais la continuité prévaut et le sentiment se maintient dans le pays d’une situation de business as usual que les démarches judiciaires contre Abdel Aziz, la bonne réputation des forces armées, ou encore les projets géants d’exploitation des ressources du sous-sol ne sauraient suffire à contrebalancer.

Bibliographie

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DOI : 10.4324/9780429299490

Jorge Brites, Camille Evrard, Paul Melly et Erin Pettigrew

Source : OpenEdition