Accueil > Actualités > Economie > La Mauritanie, un terrain fertile pour les bailleurs de fonds arabes
La Mauritanie, un terrain fertile pour les bailleurs de fonds arabes
mardi 18 février 2014
Avec l’aide des Nations Unies, la Mauritanie fait appel aux bailleurs de fonds arabes. Exposé à la sécheresse et affecté par la faim chronique, le pays encourage ces derniers à aller au-delà de leur rôle traditionnel en faveur du développement et de soutenir l’aide humanitaire.
Les bailleurs de fonds traditionnels de l’aide humanitaire sont en majorité des membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Mais la contribution au financement de l’aide humanitaire des bailleurs de fonds non traditionnels n’appartenant pas au CAD est en hausse depuis quelques années. De nombreux bailleurs de fonds occidentaux ayant par ailleurs revu leurs budgets à la baisse par crainte d’une nouvelle récession, les pays du Golfe ont gagné en influence sur la scène humanitaire, notamment dans les pays à forte population musulmane.
Début février, un groupe de bailleurs de fonds arabes s’est rendu dans les régions du Brakna et du Gorgol dans le cadre d’une visite organisée par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA). Le Gorgol et Le Brakna sont en proie à une insécurité alimentaire sévère. Selon l’étude la plus récente, en décembre 2011, les taux de malnutrition aigüe y étaient supérieurs au seuil d’urgence fixé par l’Organisation mondiale de la santé : 11,7 pour cent dans le Gorgol et 12,5 pour cent dans le Brakna.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’une de ses organisations non gouvernementales (ONG) partenaires, Au Secours, offrent des transferts en espèces de 20 000 ouguiyas (69 dollars) par mois à 7 000 foyers de la région, dont 120 dans le village de Guosse, dans le Brakna.
Le chef de Guosse, Sidi Brahim Ould Samba, a dit à IRIN que son village, « comme tant d’autres, manque de tout [...] d’un accès à l’eau, à l’éducation et à la santé ». L’aide du gouvernement, du PAM, des ONG et d’autres bailleurs de fonds permet juste à la population de Guosse de survivre, a-t-il dit.
Besoins
Pour sortir de la pauvreté, les villageois de Guosse dépendent presque entièrement des emprunts qu’ils contractent ou des transferts de fonds qu’ils reçoivent de leurs proches vivant en ville, a dit M. Ould Samba, qui a appelé les bailleurs de fonds à soutenir la construction d’un centre de santé. L’hôpital de référence le plus proche se trouve à Aleg, a-t-il dit, soit à 230 km de Guosse.
« Nous avons besoin d’une école, de clôtures pour protéger [les] cultures maraîchères, et d’argent pour financer un projet générateur de revenus – sans parler d’un meilleur accès à l’eau », a-t-il dit aux bailleurs de fonds.
À Beydia Taboyette, un village du Brakna construit pour héberger les personnes déplacées par les inondations de 2012, les besoins sont immenses, a dit le chef Abu Ould Hakim. « Les inondations ont détruit nos récoltes [...] Nous sommes confrontés à tous les problèmes fondamentaux rencontrés par toute communauté récemment déplacée », a-t-il dit à IRIN.
M. Ould Hakim a remercié les bailleurs de fonds arabes pour leur visite et le soutien qu’ils ont proposé.
« Avec un peu d’aide – un accès à l’eau, des outils de base et des formations –, les femmes pourraient jouer un rôle de soutien bien plus grand pour la sécurité alimentaire du village », a dit Mariam Mint Boubacar, membre d’une coopérative maraîchère tenue par des femmes à Beydia Taboyette.
Kaédi, une ville de la région du Gorgol, faisait auparavant partie du grenier de la Mauritanie, a souligné son maire, Moussa Sow. « Nous sommes maintenant au coeur de l’insécurité alimentaire du pays [...] Le problème n’est pas l’endettement des villageois. La raison est le manque de soutien structurel aux agriculteurs. »
Selon le maire, il est impossible d’obtenir une production décente sans semences, sans outils et sans les éléments essentiels de l’agriculture moderne, comme des engrais et des machines de base.
Une grande partie des bailleurs de fonds ont dit que la visite les avait incités à renforcer leur aide ou mettre sur pied des actions pour répondre aux besoins dont ils ont été témoins. Certains ont souligné qu’ils interviendraient dans des projets d’autonomisation des femmes, d’autres qu’ils fourniraient des semences et des outils, et d’autres encore qu’ils favoriseraient l’accès à l’eau.
« Aucune organisation ne peut répondre seule à tous les besoins. Nous devons travailler ensemble », a dit Jasem S. Al Nijmamr Al Shammary, directeur des programmes internationaux de la fondation Sheikh Al-Thani Bin Abdullah (RAF), basée au Qatar. « Voir autant des grands bailleurs de fonds potentiels du Moyen-Orient, d’Europe et d’Afrique travailler en partenariat sur des sujets aussi importants que la sécurité alimentaire me rend optimiste », a-t-il dit à IRIN.
Vers une plus grande collaboration
Les bailleurs de fonds traditionnels sont les principaux soutiens de l’aide humanitaire en Mauritanie. En 2013, les bailleurs de fonds les plus importants étaient le Royaume-Uni, la Commission européenne et le Japon. Le Koweït était 13e et la Banque africaine de développement 15e, selon le Service de surveillance financière d’OCHA.
Les bailleurs de fonds arabes sont déjà actifs en Mauritanie, mais ils ont tendance à privilégier les projets de développement – développement d’infrastructures et d’entreprises – et interviennent majoritairement en milieu urbain, notamment à Nouakchott, la capitale. Plusieurs bailleurs de fonds ont dit ne pas faire la distinction entre l’aide d’urgence et l’aide au développement.
Selon le rapport 2013 de Global Humanitarian Assistance, l’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis ont affecté 46,9 milliards de dollars au total à l’aide au développement officielle entre 2000 et 2011.
Il y avait, parmi les visiteurs du Brakna et du Gorgol, des représentants de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), de la Ligue des États arabes, des gouvernements des Émirats arabes unis, du Koweït et du Qatar, des Sociétés du Croissant-Rouge des Émirats arabes unis et du Qatar, de l’International Islamic Charity Organisation, de la RAF qatarie, de l’Union africaine, de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO).
Faeqa Saeed Al Saleh, secrétaire générale adjointe à la Ligue des États arabes, a souligné le besoin de financer l’éducation et la création d’activités génératrices de revenus pour les femmes. Onur Demirkol, représentant de l’ONG turque Prime Ministry Disaster and Emergency Management Presidency, a dit que son organisation allait se concentrer sur le développement d’infrastructures dans les communautés touchées par les inondations de 2012 et 2013.
Ils ont également évoqué un rapprochement avec les bailleurs de fonds traditionnels et le gouvernement, une plus grande ouverture et la nécessité de favoriser la résilience de la population.
« Ce n’est qu’en renforçant les partenariats entre les bailleurs de fonds potentiels sur ces questions que ces communautés auront une chance de devenir plus résilientes à de futures crises », a dit Atta Al-Mannan Bakhit, secrétaire général adjoint de l’OCI pour les Affaires humanitaires.
Robert Piper, coordinateur humanitaire pour la région du Sahel, a maintenant l’espoir que ces bailleurs de fonds affermissent leur rôle dans l’aide humanitaire et le soutien à long terme pour renforcer la résilience de la population du Sahel.
« Des partenariats innovants commencent à voir le jour dans le monde de l’humanitaire », a-t-il dit à IRIN. « Ce n’est plus l’Occident qui répond aux pays en développement. Cette mission en Mauritanie pourrait finalement déclencher des actions communes. »
mk/aj/rz-ld
Source : ONU (IRIN)