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Le Brésil sera-t-il la dernière démocratie à organiser une Coupe du monde ?
lundi 16 juin 2014
Comme une vieille tradition, l’approche de tout évènement sportif de classe mondiale est toujours la même. Quelques mois avant, les stades ne sont pas prêts et les hôtels n’ont pas d’eau chaude. Les autoroutes sont des chemins de terre et les athlètes n’ont nulle part où dormir.
Les journaux locaux président une catastrophe. L’absence de filet aura-t-elle raison de la finale de beach-volley ? Le match de qualification entre le Paraguay et la Côte d’Ivoire sera-t-il abandonné parce que les arbitres n’auront pas réussi à atterrir sur l’aéroport inachevé.
Mais rien de tout ça ne se passe. D’une manière ou d’une autre, les Jeux olympiques, la Coupe du monde ou quel que soit le spectacle extravagant dont il s’agit, ont toujours lieu. Les Sud-africains, les Russes ou les Britanniques travaillent nuit et jour, remettent de l’argent dans les infrastructures, et arrivent à s’en tirer. La salle de basketball est terminée et le saut à ski est un triomphe.
Cette semaine, le même rituel a encore eu lieu. Moins de 48 heures avant le premier match de la Coupe du monde 2014, la présidente brésilienne Dilma Rousseff est apparue dans les médias pour déclarer que les « pessimistes » avaient été vaincus et que son pays était prêt à accueillir le monde
L’euphorie puis... les regrets
Et si le Brésil continue à suivre le schéma, le moment de crise va passer. Le soulagement va entraîner de l’euphorie (le moral national va s’améliorer, les foules seront harmonieuses, l’équipe nationale va être soutenue), qui sera remplacée par... des regrets.
Les dépenses requises pour organiser les plus grandes compétitions sportives dépassent largement les bénéfices
Le passé récent est sans ambigüité. Plusieurs stades sud-africains, comme beaucoup en Corée du Sud et au Japon qui ont co-organisé la Coupe du monde en 2002 ou ceux construits à Pékin pour les Jeux olympiques de 2008, sont à peine utilisés.
Le béton coulé pour les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi se craquèle déjà. La régénération post-olympique de l’est de Londres tant annoncée par les médias ne s’est toujours pas matérialisée. Presque partout, les importantes dépenses désormais requises pour organiser les plus grandes compétitions sportives dépassent largement les bénéfices.
La seule différence pour le Brésil sera que les regrets sont arrivés en avance. Depuis des mois, les manifestants de tous bords ont fait le pied de grue devant les stades, déguisé la mascotte de la Coupe du monde en mafioso et créé de l’art urbain, dont des peintures d’un enfant avec pour seule nourriture à se mettre sous la dent un ballon de foot.
Des retraits de candidature à la pelle
Ayant vu les factures grandissantes et les avantages de moins en moins évidents qui ont suivi la Coupe du monde dans d’autres pays, les électeurs brésiliens savent déjà que certains de leurs stades vont devenir des vestiges inutilisés. Ils n’ont pas besoin d’attendre que les touristes rentrent chez eux pour savoir que l’argent balancé lors de la frénésie de construction de dernière minute a été gaspillé.
Un peu partout dans le monde, d’autres gouvernements ont observé la réaction des Brésiliens. Au cours des derniers mois, les candidatures allemande, suisse, suédoise et polonaise pour organiser les Jeux olympiques d’hiver ont été retirées à cause des inquiétudes liées au coût.
Munich et Davos-St. Moritz se sont retirés après que les électeurs ont rejeté leur candidature olympique. Cracovie, où 70% de la population a voté contre l’idée au cours d’un référendum, a fait de même, malgré le succès apparent de l’Euro en Pologne et en Ukraine en 2012.
L’avenir ? Pékin, le Kazakhstan, la Russie et le Qatar
Les seuls candidatures qui devraient rester pour 2022 sont Pékin et Almaty, au Kazakhstan. Ce n’est pas une coïncidence si tous deux sont des pays autoritaires où le point de vue des électeurs ne sera pas pris en compte, où les manifestants n’auront pas le droit de se planter devant les stades à moitié construits, et où les dirigeants sautent sur l’occasion de se pavaner devant le monde entier.
Pour les mêmes raisons, les deux prochains pays hôtes de la Coupe du monde ne sont pas une coïncidence non plus : la Russie en 2018 et le Qatar en 2022. Les pots-de-vin à grande échelle expliquent en partie le succès de la candidature du Qatar (le Sunday Times a mis la main sur des « millions » d’emails et de documents bancaires pour le prouver). Mais les deux pays sont aussi certains qu’il n’y aura aucune opposition, et certainement pas de référendum déplaisant.
Contrairement aux Brésiliens, les Qataris savent qu’ils peuvent financer les projets de construction de la Coupe du monde en utilisant des travailleurs au bord de l’esclavage : plus de 400 ouvriers du bâtiment népalais sont déjà morts sur les sites de construction de la Coupe du monde.
Comme une vieille tradition, l’approche de tout évènement sportif de classe mondiale est toujours la même. Quelques mois avant, les stades ne sont pas prêts et les hôtels n’ont pas d’eau chaude. Les autoroutes sont des chemins de terre et les athlètes n’ont nulle part où dormir.
Les journaux locaux président une catastrophe. L’absence de filet aura-t-elle raison de la finale de beach-volley ? Le match de qualification entre le Paraguay et la Côte d’Ivoire sera-t-il abandonné parce que les arbitres n’auront pas réussi à atterrir sur l’aéroport inachevé.
Mais rien de tout ça ne se passe. D’une manière ou d’une autre, les Jeux olympiques, la Coupe du monde ou quel que soit le spectacle extravagant dont il s’agit, ont toujours lieu. Les Sud-africains, les Russes ou les Britanniques travaillent nuit et jour, remettent de l’argent dans les infrastructures, et arrivent à s’en tirer. La salle de basketball est terminée et le saut à ski est un triomphe.
Cette semaine, le même rituel a encore eu lieu. Moins de 48 heures avant le premier match de la Coupe du monde 2014, la présidente brésilienne Dilma Rousseff est apparue dans les médias pour déclarer que les « pessimistes » avaient été vaincus et que son pays était prêt à accueillir le monde
L’euphorie puis... les regrets
Et si le Brésil continue à suivre le schéma, le moment de crise va passer. Le soulagement va entraîner de l’euphorie (le moral national va s’améliorer, les foules seront harmonieuses, l’équipe nationale va être soutenue), qui sera remplacée par... des regrets.
Les dépenses requises pour organiser les plus grandes compétitions sportives dépassent largement les bénéfices
Le passé récent est sans ambigüité. Plusieurs stades sud-africains, comme beaucoup en Corée du Sud et au Japon qui ont co-organisé la Coupe du monde en 2002 ou ceux construits à Pékin pour les Jeux olympiques de 2008, sont à peine utilisés.
Le béton coulé pour les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi se craquèle déjà. La régénération post-olympique de l’est de Londres tant annoncée par les médias ne s’est toujours pas matérialisée. Presque partout, les importantes dépenses désormais requises pour organiser les plus grandes compétitions sportives dépassent largement les bénéfices.
La seule différence pour le Brésil sera que les regrets sont arrivés en avance. Depuis des mois, les manifestants de tous bords ont fait le pied de grue devant les stades, déguisé la mascotte de la Coupe du monde en mafioso et créé de l’art urbain, dont des peintures d’un enfant avec pour seule nourriture à se mettre sous la dent un ballon de foot.
Des retraits de candidature à la pelle
Ayant vu les factures grandissantes et les avantages de moins en moins évidents qui ont suivi la Coupe du monde dans d’autres pays, les électeurs brésiliens savent déjà que certains de leurs stades vont devenir des vestiges inutilisés. Ils n’ont pas besoin d’attendre que les touristes rentrent chez eux pour savoir que l’argent balancé lors de la frénésie de construction de dernière minute a été gaspillé.
Un peu partout dans le monde, d’autres gouvernements ont observé la réaction des Brésiliens. Au cours des derniers mois, les candidatures allemande, suisse, suédoise et polonaise pour organiser les Jeux olympiques d’hiver ont été retirées à cause des inquiétudes liées au coût.
Munich et Davos-St. Moritz se sont retirés après que les électeurs ont rejeté leur candidature olympique. Cracovie, où 70% de la population a voté contre l’idée au cours d’un référendum, a fait de même, malgré le succès apparent de l’Euro en Pologne et en Ukraine en 2012.
L’avenir ? Pékin, le Kazakhstan, la Russie et le Qatar
Les seuls candidatures qui devraient rester pour 2022 sont Pékin et Almaty, au Kazakhstan. Ce n’est pas une coïncidence si tous deux sont des pays autoritaires où le point de vue des électeurs ne sera pas pris en compte, où les manifestants n’auront pas le droit de se planter devant les stades à moitié construits, et où les dirigeants sautent sur l’occasion de se pavaner devant le monde entier.
Pour les mêmes raisons, les deux prochains pays hôtes de la Coupe du monde ne sont pas une coïncidence non plus : la Russie en 2018 et le Qatar en 2022. Les pots-de-vin à grande échelle expliquent en partie le succès de la candidature du Qatar (le Sunday Times a mis la main sur des « millions » d’emails et de documents bancaires pour le prouver). Mais les deux pays sont aussi certains qu’il n’y aura aucune opposition, et certainement pas de référendum déplaisant.
Contrairement aux Brésiliens, les Qataris savent qu’ils peuvent financer les projets de construction de la Coupe du monde en utilisant des travailleurs au bord de l’esclavage : plus de 400 ouvriers du bâtiment népalais sont déjà morts sur les sites de construction de la Coupe du monde.
Anne Applebaum
Source : Slate.fr