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Mauritanie. Le rôle régional d’un pays délaissé par les grands médias

vendredi 2 octobre 2015


Habituée à l’instabilité politique voire aux coups d’État militaire, plusieurs fois atteinte par le terrorisme (prises d’otages), voisine d’un Mali rudement secoué depuis 2013, la Mauritanie ne fait guère parler d’elle.

Grande comme deux fois la France, en très grande partie désertique, pauvre, peuplée de seulement 3,6 millions d’habitants dont l’espérance de vie est brève par rapport à celle des Européens (62 ans pour les hommes, 64 ans pour les femmes), la Mauritanie affiche néanmoins une forte fécondité. Sur le plan social, les relations tribales et la division entre Maures et Noirs sont structurantes (on se rappelle peut-être les sanglants événements de 1989 le long du fleuve Sénégal) et la question de l’esclavage reste toujours d’actualité. Sur le plan extérieur, le pays semble isolé. Mais a-t-il vraiment les moyens de se régionaliser avec profit ?

A Nouakchott, la capitale mauritanienne, alors que les médias locaux bruissent de mille rumeurs sur son intention de se représenter en 2019 au mépris des dispositions constitutionnelles, le président Mohammed Ould Abdelaziz s’est livré à une attaque en règle contre les « médias occidentaux », suite à la résurgence de l’affaire de blanchiment de faux dollars, dite du « Ghana Gate ». Un scandale vieux de dix ans déjà, qui remonte à la surface médiatique.

Au Mali, ce sont les défis du terrorisme et du trafic transfrontalier avec la Mauritanie qui ont déclenché cet été un accord de coopération militaire. Les deux pays partagent plus de 2000 kms de frontière commune ! Et la Mauritanie est devenue la principale base arrière des mouvements rebelles qui attaquent les villages maliens.

En 2011, l’Etat malien avait fait cas des bavures de l’aviation mauritanienne qui bombardait des villages et des groupes de civils soupçonnés d’être infiltrés par des terroristes. Il y avait également eu l’intervention franco-mauritanienne qui s’était soldée par un fiasco au finish avec l’exécution de l’otage français par ses ravisseurs.

En Algérie, on accuse le Roi du Maroc de vouloir nuire aux relations algéro-mauritaniennes et d’avoir intérêt à ce que le torchon brûle entre Alger et Nouakchott. Certains y voient d’ailleurs l’ombre des Saoudiens, sans doute mécontents de la position de l’Algérie sur la crise au Yémen ou encore son appui vis-à-vis de l’Iran, considéré par les pétromonarchies sunnites du Golfe comme l’ennemi de toujours.

Au Maroc, on relève le désaccord total entre l’Union Européenne et la Mauritanie au sujet de la reconduction d’une convention sur la pêche en Atlantique, devenue caduc. L’Europe demandait au gouvernement mauritanien la libération d’un opposant emprisonné, mais surtout de lui fournir les justificatifs concernant les dépenses faites avec l’argent reçu de Bruxelles. Ces sommes auraient du servir à la formation des pêcheurs, mais elles ont étrangement disparu…

Au Canada, on se révolte. La Mauritanie ne fait pas partie des pays africains signataires du traité de Rome instituant la Cour Pénale Internationale. C’est ainsi que le président soudanais Omar el-Béchir, poursuivit pour génocide sur son propre peuple au Darfour, s’est librement déplacé à Nouakchott pour y participer à un sommet sur la Grande muraille verte, un projet qui veut stopper l’inexorable avancée du désert du Sahara.

Et puis, la conférence annuelle sur l’esclavage qui s’est tenue à Toronto (Alliance Against Modern Slavery) a relevé cette année encore un constat affligeant. En Mauritanie, à côté de l’esclavage moderne, tout un ensemble de calamités humaines continuent de fleurir librement : l’esclavage sexuel, l’esclavage domestique, l’esclavage foncier et l’expropriation des terres prises aux paysans. Une loi criminalise l’esclavage au plan formel, mais n’est jamais suivie d’actes concrets en raison de la connivence entre les tenants du pouvoir politique et les maîtres esclavagistes d’origine arabo-berbère. Le combat contre tous ces esclavages sera long est difficile, face à un système institutionnellement raciste et esclavagiste qui ne cesse de mobiliser les moyens de répression pour pérenniser ses avantages.

Source : France Culture