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Mauritanie : Monza, un flow très cash

samedi 1er février 2014


Créateur du festival Assalamalekoum, le rappeur mauritanien Monza prépare deux albums. Et n’a pas sa langue dans sa poche.

Son nom de scène, c’est Monza. Comprenez : musique originale native de la zone authentique. Cette zone authentique, c’est l’Afrique. Car, s’il est citoyen mauritanien, Kane Limam se revendique avant tout africain. Tête d’affiche de la scène rap mauritanienne, cet auteur-interprète et producteur de 33 ans combat l’injustice avec les mots. "Pour ne pas en devenir complice", dit-il. Autoproclamé Président 2la Rue Publik (titre de son premier opus, en 2004), très impliqué dans le développement de la culture urbaine, il prône des valeurs qu’il estime en voie de disparition, telles que la fraternité et le multiculturalisme. Pour "imposer le métissage" dans ses textes, il mêle le français et les langues nationales : le peul, le wolof ou le hassania. "En Mauritanie, on ne veut pas assumer qu’il y a plusieurs communautés, alors qu’elles sont une richesse, déplore Monza d’une voix calme. Avant de parler d’unité nationale, il faut d’abord accepter les identités nationales. Ensemble, on est plus fort."

Monza s’est tourné vers le hip-hop dès l’âge de 15 ans avec son premier groupe, African Prodige, animé par un besoin viscéral de s’exprimer après que son père, engagé dans l’opposition lors des événements de 1989, eut été jeté en prison. En 1998, Monza rejoint le collectif d’artistes Intelligentsia, à l’origine de la création de son second groupe, Do Re Mifa. Il s’y bat pour la reconnaissance du rap mauritanien (il n’existait alors qu’une trentaine de groupes) et pour que la musique "ne soit plus seulement assimilée au griot et devienne un mode d’expression".

Les jeunes artistes se sentent muselés

Avec son alter ego Couly Man, ils montent leur propre formation, La Rue Publik, en 2000. "Si le pouvoir ne fait pas bien les choses, on le dit. C’est notre manière de contester." Grâce au soutien financier de l’homme d’affaires Ahmed Ould Hamza (qui n’était pas encore président de la communauté urbaine de Nouakchott) et l’appui du Centre culturel français, ils sortent leur premier album en 2004, le premier CD entièrement réalisé en Mauritanie. À l’époque, le colonel Maaouiya Ould Taya est au pouvoir : les 1 500 disques sont confisqués. Qu’importe. Tous sont réédités, et le groupe part en tournée à travers le pays. La jeunesse a enfin son porte-voix.

Les jeunes artistes, en revanche, n’ont toujours pas de scène et s’estiment muselés. Monza a l’idée de les promouvoir lui-même. Il lance son label, Zaza Productions, et, en 2008, crée Assalamalekoum Festival International, consacré aux cultures urbaines, dont la 7e édition se tiendra en juin 2014. Grâce notamment à l’appui de l’Institut français, l’événement accueille chaque année une cinquantaine d’artistes mauritaniens et étrangers (parmi lesquels Daraji Family, DJ Gee Bayss, La Fouine, Sefyu ou Tunisiano) et attire des dizaines de milliers de spectateurs.

Depuis, Monza a monté l’Assalamalekoum Tour (des ateliers d’écriture, de danse et de création musicale) dans les alliances franco-mauritaniennes, ainsi qu’Assalamalekoum Découverte, un concours pour détecter de nouveaux talents. Il s’occupe aussi de huit artistes (six rappeurs et deux groupes), et espère pouvoir créer un jour une Hip-Hop Academy Mauritanie, qui accompagnerait les musiciens de la salle de répétition au studio. "Beaucoup abandonnent leurs études et tombent dans le banditisme ou la débauche. Avec le hip-hop, on les récupère et on en fait des artistes, qui ont un vrai métier." Monza n’oublie pas pour autant sa propre carrière. Il se produit au Maroc, au Danemark, en France... Et se concentre sur la sortie de deux albums, le 3 juin, l’un électro hip-hop et le second live, dont il partage gratuitement chaque semaine un titre sur son site web. En attendant la sortie d’un best of au mois de septembre.

Source : Jeune Afrique