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Mauritanie : pour lutter contre le terrorisme, le pays mise sur tous les fronts
samedi 5 décembre 2015
Alors que les attentats de Paris ont révélé les failles sécuritaires de l’Europe, comment le continent, qui conjugue à la fois une grande habitude et une vraie impuissance, lutte-t-il contre les groupes jihadistes ? L’exemple mauritanien.
Quelle est la recette de la Mauritanie pour empêcher depuis février 2011 – et l’échec d’un attentat à la voiture piégée à Nouakchott – toute action terroriste sur son sol ?
Une question que se posent ses voisins et à laquelle une conférence donnée en 2013 par le colonel Brahim Vall Ould Cheibani, alors chef du troisième bureau à l’état-major des armées, aujourd’hui directeur du projet « École supérieure des sciences de la guerre », apporte des éléments de réponse. « Loin de se limiter à l’aspect purement coercitif de la lutte contre le terrorisme, l’approche mauritanienne est multidirectionnelle, préventive et répressive, expliquait-il. Elle a ratissé large en prenant en compte tous les autres corollaires qui abritent ou alimentent directement ou indirectement l’activité des terroristes – trafics, criminalité organisée transnationale. »
L’armée, que certains jugeaient composée de va-nu-pieds peu combatifs, a reçu les moyens (véhicules, carburant, armements et munitions) et la formation qui lui faisaient défaut. Le budget des armées a été augmenté et devrait plus que doubler l’an prochain, passant de 3 à 7 milliards d’ouguiyas (de 9 à 20 millions d’euros environ). Des zones militaires et 35 points de passage obligés ont été institués. De purement défensives, les opérations sont devenues offensives, et les forces mauritaniennes se sont projetées loin en territoire malien pour détruire bandes de trafiquants et bases de l’organisation Aqmi (en forêt de Ouagadou notamment) grâce à un système de renseignement efficace.
Mais la guerre est d’abord idéologique. Elle a été engagée avec le concours « d’érudits et de savants religieux de renommée internationale pour réconcilier le citoyen avec le vrai islam, discréditer les terroristes aux yeux des populations en démontant leurs thèses », assure le colonel. Parmi les mesures prises, citons des débats entre imams et terroristes, la création d’une radio du Coran, le recrutement de centaines d’élèves d’écoles coraniques pour les soustraire à la propagande extrémiste. Dans le domaine social, de nouvelles moughataas (départements) ont été créées dans les zones isolées qui servent de repaire aux terroristes, afin de procurer à la population les services de base que ceux-ci prétendaient lui offrir. « Cela a contribué à les priver de certaines bases arrières où ils recrutaient », souligne Brahim Vall Ould Cheibani.
Le bilan est éloquent : depuis 2010, toutes les tentatives terroristes ont été mises en échec. « Plus de 60 % des terroristes se sont repentis, et des programmes ont été engagés pour leur réinsertion dans la vie civile », conclut le colonel, qui se félicite que ces diverses mesures aient « porté la peur chez l’adversaire ».
Source : Jeune Afrique