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Mauritanie : roulez jeunesse !
vendredi 28 novembre 2014
Par Kane Limam Monza*
Être jeune, en voilà une chance pour nous autres. Forts, fiers et dynamiques... Telle devrait être la donne. Hélas ! La vie est tout autre au pays du million de poètes. L’ancien général Mohamed Ould Abdelaziz entame cette année un second mandat, avec un programme largement tourné vers la jeunesse. Justement, qu’en est-il réellement de la situation des jeunes en Mauritanie ? À quoi aspirent-ils ? Ont-ils leur mot à dire concernant les affaires de la nation ? Que font les pouvoirs publics pour eux ? La société leur permet-elle de rêver ?
La Mauritanie est riche, elle a de nombreux atouts, assez pour prétendre se hisser au rang des grands pays. Et pour relever ce défi elle a besoin de sa jeunesse. Comme le disait le père de la nation, Moktar Ould Daddah : "La Mauritanie de demain sera ce qu’en fera sa jeunesse d’aujourd’hui." Or, depuis le 10 juillet 1978, le "syndrome du coup d’État" dit et dicte aux jeunes que le pouvoir peut s’acquérir par la force.
Ces jeunes qui représentent désormais plus de la moitié de la population et qui, pourtant, ne sont pas réellement représentés dans les institutions politiques nationales... Résultat, bon nombre d’entre eux ne votent plus, n’adhèrent plus aux partis politiques et ne lisent même plus les quotidiens nationaux. Par désengagement, par lassitude, par trop d’espoirs envolés.
Les barrières traditionnelles, telles que le favoritisme ou le tribalisme, empêchent l’admission de la jeunesse dans la politique locale, et limitent aussi sa participation à la vie active. Elle n’a plus aucune échappatoire. Pas d’emploi. Pas de formation. L’éducation souffre d’un manque de structuration et d’engagement responsable du corps enseignant. Il paraît difficile de parvenir à de bons résultats quand les professeurs désertent l’école publique pour aller donner des cours dans des écoles privées. Devant les consulats, les files d’attente s’allongent : les étudiants de premier et de deuxième cycle peinent à obtenir leur visa d’études.
Pourtant, inclure les jeunes dans la vie politique constitue un enjeu fondamental. C’est ce qu’ont démontré, en 2011, les manifestations populaires dans les rues de la capitale et à l’intérieur du pays, comme à Maghama, où a été tué le jeune Lamine Mangane, dans des circonstances encore non élucidées. Il est nécessaire d’engager un dialogue entre l’État, les élus locaux, la société civile et les partis politiques sur l’importance de cette participation des jeunes et sur les conséquences néfastes qui peuvent résulter de leur marginalisation : immigration, criminalité, toxicomanie, terrorisme.
L’État mauritanien a toujours promis des infrastructures et du travail aux jeunes. Or le taux de chômage est d’environ 30 %, la jeunesse constituant 70 % des demandeurs d’emploi. Parmi eux, des illettrés, des ouvriers, des diplômés, des artisans, des artistes. Las d’attendre, ils ont décidé de se prendre en main.
À Nouakchott, la jeunesse exprime son ras-le-bol à travers le rap, qui est devenu très populaire. Les artistes ont monté leurs studios, leurs événements culturels et leurs propres boîtes de production. Surtout, ils ont pu accéder à l’emploi par la création : musique, arts plastiques, street wear, artisanat, tourisme, etc. Depuis 2008, les initiatives les plus en vue en Mauritanie, comme le festival Assalamalekoum, la Jeune Chambre de commerce de Mauritanie, le festival Nouakshort Film, La Marmite du partage, ou encore Startup Weekend Nouakchott, ont été pensées et portées par des jeunes militants, investis et patriotes.
Être jeune et mauritanien en 2014, c’est non seulement affronter le défi d’être seul face à ses propres responsabilités, mais c’est aussi le devoir de réussir, pour donner au pays ce qu’il n’a pas pu offrir à ses propres enfants. C’est écrire la musique que toute la jeunesse de Mauritanie rêve d’entendre.
* Kane Limam Monza est auteur-interprète et fondateur du festival Assalamalekoum.