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Mauritanie : un projet d’autonomie qui fâche

mardi 9 septembre 2014


Le débat est lancé en Mauritanie ! Les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), un mouvement de lutte pour la défense des intérêts des populations noires, réclament un nouveau découpage du pays et une forme d’autonomie pour la région sud. Dans le camp du pouvoir, la colère gronde.

Par Mohamed Diop

L’autonomie du sud de la Mauritanie réclamée par le mouvement des FLAM, les Forces de Libération Africaines de Mauritanie, s’est heurtée à la première réaction d’une haute personnalité de l’Etat, Sidi Mohamed Ould Maham. À peine élu à la tête du parti au pouvoir, l’UPR, l’ex-ministre mauritanien de la Communication a accusé les FLAM de chercher à diviser le pays. Sidi Mohamed Ould Maham a été porté samedi 6 août à la tête du parti au pouvoir, l’Union Pour la République (UPR), la formation politique fondée en 2008 par Mohamed Ould Abdel Aziz, qui ne pouvait plus, suivant les dispositions de la Constitution, rester chef de parti après son élection à la présidence de la République.

« Nous combattrons les extrémistes et les promoteurs de la division »

Lors de son premier discours depuis sa nomination, le nouveau patron de l’UPR s’est insurgé contre les FLAM. « Nous rejetons et condamnons fermement les récents appels à la séparation du pays, lancés par des partis et individus minoritaires dont la représentativité ne dépasse pas leur propre cadre, a-t-il lancé. Nous condamnons également tout acte visant à porter atteinte à la cohésion du peuple mauritanien et à l’intégrité territoriale. Nous sommes contre toute initiative qui remet en cause le principe de citoyenneté qui constitue le fondement de l’Etat ». Avant lui, le président Mohamed Ould Abdel Aziz promettait, lors de la cérémonie organisée à l’occasion de sa deuxième investiture, le 2 août dernier, de « combattre les extrémistes et les promoteurs de la division et du racisme qui n’ont aucune place parmi notre peuple. »

Un projet d’autonomie après 23 ans d’exil

Les FLAM sont à l’origine du « Manifeste du Négro-Mauritanien Opprimé » publié en avril 1986 et distribué lors d’un sommet de l’OUA (ndlr : Organisation de l’unité africaine, ex Union africaine). Ce pamphlet avait provoqué l’escalade avec le régime de l’époque, tenu d’une main de fer par Maouya Ould Sidi Ahmed Taya. Certains membres du mouvement ont été jetés en prison, dont l’écrivain Tène Youssouf Gueye, l’un des auteurs présumés de ce manifeste non signé. Il est mort derrière les barreaux à Oualata en septembre 1988.

Les affrontements communautaires entre arabo-berbères et négro-mauritaniens de 1989-91 ont contraint à l’exil d’autres "Flamistes", notamment vers l’Europe. Deux décennies plus tard, en 2013, les principaux leaders du mouvement sont rentrés au pays avec un nouveau projet dans leurs valises : l’autonomie du sud du pays à majorité noire.

Les FLAM proposent une nouvelle organisation territoriale et administrative

Le projet, selon les FLAM, consiste à permettre à « chaque communauté de modeler ses propres institutions et organiser sa vie et son développement grâce à un système de relation plus souple avec le pouvoir central ». Ainsi, les FLAM proposent une nouvelle organisation territoriale et administrative du pays qui passe par la création de « quatre régions autonome ». La région numéro 1 (Trarza-Brakna-Tagant), la région numéro 2 (Guidimakha-Fuuta, Waalo Barak), la région numéro 3 (Assaba, Hodh) et la région numéro 4 (Adrar-Tiris).

« Ces régions épouseront le plus possible, les contours des aires ethnoculturelles (communautaires) existantes », assure le mouvement. Les régions seront « découpées en 8 provinces » et chacune d’elles devra « respecter au maximum la configuration des espaces occupés par les entités historiques des ethnies et émirats », détaillent les FLAM dans leur document. Cependant, « les villes comme Nouakchott (la capitale politique) et Nouadhibou (la capitale économique) seront régies par un statu spécial à définir ».

La présentation de ce projet d’autonomie à l’attention du public et de la classe politique lors du 8ème congrès des FLAM, le 29 août à Nouakchott, a suscité de vives réactions, dans les milieux politiques proches du pouvoir, à dominante Maure. Un parti comme Erravah n’a pas hésité à appeler les autorités du pays à « frapper avec une main de fer sur tout groupe ou individu à tendance raciste ou séparatiste ». La présence à ce congrès du numéro 1 de Tawassoul, l’émanation locale des frères musulmans, deuxième force politique au pays, a fait l’objet de nombreuses critiques et suscité bien des questionnements.

Présence critiquée des islamistes au congrès des FLAM

En allusion à cette présence, le nouveau chef de l’UPR a critiqué les soutiens à ce projet d’autonomie : « Nous dénonçons l’organisation de ce congrès et ceux qui l’ont applaudi ou y ont assisté ». Le leader de Tawassoul, Mohamed Jamil Mansour (photo ci-dessus en boubou bleu© Le Courrier du Sahara), cité par le Quotidien de Nouakchott, a quant à lui qualifié le discours prononcé par le président des FLAM, Samba Thiam, lors de l’ouverture du congrès de « discours important ». Selon lui, ce document « mérite d’être discuté mais ce qui est triste, c’est que certains se lancent dans des critiques sans avoir pris connaissance du contenu de ce discours », a-t-il poursuivi.

Dans ce discours, le président de FLAM, Samba Thiam (photo en tête d’article ©Le Courrier du Sahara), s’est voulu rassurant : « Cette autonomie, objet de tant de conjecture, agitée comme un épouvantail par nos adversaires, je puis vous assurer, ne sous-tend aucune arrière-pensée trouble, alors aucune (…). Elle se fonde sur des critères objectifs, naturels, plus à même de réduire les tensions ethniques récurrentes et favoriser la cohésion sociale ». Visiblement, cela n’a pas suffi à faire retomber la méfiance dans le camp du pouvoir.

Source : Le Courrier du Sahara