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Obiang Junior enfin dans le collimateur de la justice française


Le parquet français demande l’ouverture d’un procès en France contre le fils du président de la Guinée-Equatoriale dans l’enquête des « biens mal acquis ».

On en sourirait presque. Le parquet français vient de requérir le renvoi en correctionnelle de Theodoro Nguema Obiang Mangue, fils de l’inamovible président équato-guinéen, après s’être opposé mordicus à toute poursuite contre les « biens mal acquis » des potentats africains, les ONG dénonçant une « omerta judiciaire ». Le parquet national financier (PNF), reprenant la main après l’élection de François Hollande, estime désormais qu’il est possible de le juger à domicile pour blanchiment (de corruption et de détournement de fonds publics).

Il est vrai que la Guinée-Equatoriale ne fait pas strictement partie de la Françafrique, et que Obiang Junior a un peu exagéré. Un hôtel particulier de 4 000 m2 avenue Foch (101 pièces sur cinq niveaux), évalué 107 millions d’euros. Sa perquisition par les policiers français en février 2012 durera une semaine – le temps, en autre, de recenser ses 63 paires de chaussures. Mais aussi répertorier ses 35 voitures et motos de luxe. Rien que pour les meubles, il y en a pour 90 millions d’euros. Ses emplettes avenue Montaigne chez les grands couturiers ? Dix millions, réglés rubis sur l’ongle et en cash à Dior ou Saint Laurent.

En ajoutant quelques autres biens détenus à l’étranger (un yacht, un jet privé, une villa à Malibu…) sa fortune personnelle est évaluée à plus de 300 millions d’euros, dont les deux tiers en France. Sans compter les valises de billets d’une contenance moyenne de dix millions – destinées aux menues dépenses courantes, résumées par un ancien majordome sous le triptyque « alcool, pute, coke ». Patrimoine « hors du commun qui ne peut avoir été financé par ses seuls revenus officiels », relève benoîtement le PNF : 100 000 dollars annuels (environ 90 000 au cours actuel) en tant ministre de l’Agriculture. S’ajoutent une taxe révolutionnaire sur les exportations de bois, des commissions versées par un forestier malaisien, sans parler des dépenses personnelles prises en charge par la société nationale Somagui Forestal. Bref, le mot corruption est sur toutes les lèvres et le parquet ose enfin l’écrire. L’enquête a également établi que 110 millions d’euros du trésor public local ont crédité ses comptes personnels.
Serenissima

Venant au secours du fils du président, l’ambassade guinéenne à Paris dénonce, à propos de la saisie de ses biens hexagonaux, une « spoliation des biens de la République de Guinée-Equatoriale ». Selon le parquet, elle a apposé des « affichettes de fortune » sur son penthouse parisien en vue de le faire passer pour une demeure diplomatique, bien que l’hôtel particulier soit aux mains de coquilles suisses dont Obiang Junior est l’ayant droit. Las, le Quai d’Orsay a refusé de valider.

Dans un litige civil en Afrique du Sud, ce fils de plaidait au contraire – pour les besoins de cette autre cause – que tout lui appartenait en propre, attestant que tout « ministre du gouvernement finit avec une part importante du prix d’un contrat sur son compte en banque »…

Si Obiang junior fait désormais l’objet d’un mandat d’arrêt international, après avoir été mis en examen par visioconférence depuis Malabo (1), Obiang père, lui, peut continuer à présider tranquille, protégé par une immunité totale, même si l’enquête a retrouvé la trace de sa propre société de gestion de fortune, sobrement intitulée Serenissima. Quant aux autres familles régnantes, les Bongo au Gabon et les Sassou au Congo-Brazzaville, au cœur cette fois de la Françafrique, leur cas est pour l’instant disjoint. Sans grande avancée pénale à ce jour.

(1) Son renvoi définitif en correctionnelle ne dépend plus que des juges d’instruction, mais il en fait plus guère de doute après le feu vert du parquet.

Source : Liberation.fr