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On prend les mêmes et on recommence ?
jeudi 24 octobre 2013
Par Dr. Sidi HAMADY
L’opposition mauritanienne, rassemblée au sein de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), avait décidé de mener ses actions contre le pouvoir en place, de concert, solidairement et avait même signé une "pacte d’honneur", emblème s’il en est de l’unité et de la solidarité... Pacte qui finalement ne valait pas l’encre du stylo Bic(r) avec lequel il fût écrit. La COD aujourd’hui n’existe plus, rejoignant le défunt FNDD au cimetière des rassemblements et autres éphémères fronts.
Il y a deux ans, les leaders de l’opposition, sous l’impulsion des plus radicaux d’entre eux, tels que Ely Ould Mohamed Vall et Ahmed Ould Daddah, ont d’entrée de jeu fait du départ du président Mohamed Ould Abdel Aziz leur indiscutable exigence. Il est vrai que le printemps arabe est passé par là et certains ont oublié que la Mauritanie n’est pas la Tunisie ou l’Égypte, loin s’en faut. L’exécutif fraichement aux commandes, la structure sociale du pays, la relative liberté des médias, les exigences de la géopolitique et le soutien affiché de la France et des États-Unis à la politique sécuritaire du pouvoir en place, font que miser sur un printemps mauritanien était quelque peu précipité... Néanmoins la COD en fut son leitmotiv au point de lasser une partie des mauritaniens et de faire sortir au grand jour les profondes divergences au sein même de la structure qui n’avait finalement pour ciment qu’un slogan.
Une fois revenus sur terre, et abandonné le slogan printanier inlassablement mimé jusqu’à lors, la politique reprit le dessus et vint le temps des conciliabules et des arrangements... L’un des piliers de la COD, le parti islamiste "Tawassoul", décida ainsi de participer aux élections législatives et municipales dès le début de l’été, sans en aviser ses ex-nouveaux alliés que sont l’UFP et le RFD. La décision a été motivée par les intérêts du parti lui-même, dans un climat moins favorable à la confrérie des frères musulmans, avec la chute de Morsi, le bourbier syrien, les relations tendues avec les saoudiens, et la débâcle annoncée d’Ennahda en Tunisie.
Pour se donner bonne conscience, les islamistes ont entamé des pourparlers formels avec le premier ministre, et ont invité les autres partis de la COD à y participer, alors que dans le même temps la commission électorale (CENI) vaquaient tranquillement à ses occupations et nommaient ses comités, sans tenir compte de ces "discussions" qui ont bien entendu tourné court. Les dès étaient déjà jetés et c’est "Tawassoul" qui était au centre du jeu.
Le RFD et l’UFD ont donc décidé de boycotter les élections et de laisser leur futur ex-allié y aller seul. Ces partis ne veulent par participer à des élections dont la transparence et l’équité ne sont pas garanties.
En terme de transparence, la CENI travaille depuis des mois sur l’organisation des élections, sans que son indépendance ne puisse être démontrée. Tous ses membres sont proches du pouvoir ou, dans une moindre mesure, de certains partis de l’opposition dite modérée, et son indépendance est sujette à caution. Les récents scandales dans certains bureaux de recensement en sont la preuve, avec des pratiques typiques de l’ère Taya : des groupes entiers de personnes recensées non pas selon leur lieu de résidence (comme le stipule la Loi !) mais selon le lieu de candidature de leur proche parent ou chef local... Et ces pratiques continuent malgré les protestations de l’opposition dite modérée.
Et toujours avec cet air de déjà vu et revu, le parti au pouvoir a finalisé ses listes pour les municipales et surtout pour les législatives avec exactement les mêmes procédés que son aïeul, le PRDS de Taya. Ces listes ont été décidées par une poignée de personnes, voire par une seule personne, le président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz. Or le président lui-même parlait encore il y a quelques mois de la nécessité du renouvellement de la classe politique, de la nécessité de respecter les règles du jeu démocratique... Or la plupart des candidats du parti au pouvoir sont issus des rangs du PRDS et ont été pendant de longues années les soutiens indéfectibles de Maaouiya Ould Taya et contribué à la mise à genoux de ce pays, avant de tourner casaque le jour même du renversement de Maaouiya, un certain 3 août. De même qu’ils tourneront casaque au prochain changement de régime. Le choix de ces candidats a été fait au mépris des règles démocratiques qui veulent qu’un vrai débat s’organise au sein d’un parti et que le choix de ses candidats soient décidé par ses adhérents en toute liberté et selon la valeur des candidats et leur aptitude à servir l’intérêt public et non à se servir.
Ces candidats disposent en outre de moyens considérables, y compris de moyens qui ne leur appartiennent pas, en l’occurrence ceux de l’État. Qu’on le veuille ou non, les ministres candidats ont utilisé et utilisent encore les moyens de l’État pour faire leur campagne, et bénéficient du soutien financier des hommes d’affaires les plus influents, en plus d’un découpage électoral fait sur mesure, d’inscriptions sur les listes électorales elles aussi faites sur mesure... Ils peuvent d’ores et déjà s’imaginer sur les bancs de l’Assemblée du peuple mauritanien, "si tout va bien".
Nous sommes loin de l’espoir suscité par le changement du 3 août 2005 (8 ans déjà !) où nous avions enfin cru que, près d’un demi-siècle après son indépendance, la Mauritanie connaitra la démocratie et le progrès. La déception est à la mesure des attentes : immense.
Dr. Sidi HAMADY
Enseignant-chercheur
sidi.hamady@laposte.net