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Pratique de la langue française en Mauritanie

dimanche 22 mai 2016


Compte-rendu - Assemblée Nationale française (Archive 2011) :

Question écrite n° 17407 de Mme Christiane Kammermann (Français établis hors de France - UMP)

Mme Christiane Kammermann attire l’attention de Mme la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la préoccupante dégradation de la langue française en Mauritanie. Si la langue officielle est l’arabe, le français est largement utilisé comme langue d’usage et de travail. Toutefois l’ancrage du français dans ce pays est loin d’être définitif. De plus, les coopérants qui garantissaient une bonne tenue de l’enseignement du et en français sont partis. L’assistance technique française a également disparu dans le secteur de l’éducation.
Par ailleurs, l’instauration du bilinguisme dans le système éducatif de 1999 s’est révélé être un échec.
Les Maures parlent de moins en moins bien le français, ce qui a de graves conséquences sur l’efficacité du système éducatif, le fonctionnement des administrations et des composantes de la société civile.
On peut parler d’un véritable fossé linguistique et culturel qui se creuse rapidement.
Dès 2008, l’ambassade de France avait proposé de mettre en place un « fond de solidarité prioritaire » (FSP) intitulé « appui à la maîtrise et à l’usage du français » destiné à mettre en place un dispositif performant d’enseignement et de diffusion de la langue française
En effet, l’expérience prouve que la position de la langue française dans des pays pauvres francophones ne peut être garantie qu’avec l’appui régulier de la coopération française.
Cela est d’autant plus marquant en Mauritanie en raison de la concurrence de la langue arabe.
Les évènements politiques de 2008 ont mis un terme à ce projet.
Dans le contexte actuel de reprise générale de la coopération avec la Mauritanie, elle lui demande si ce FSP ne pourrait pas être relancé.

Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes

Comme le rappelle l’honorable parlementaire, la promotion de la langue française répond plusieurs enjeux en Mauritanie, pays au carrefour des civilisations arabo-musulmane et négro-africaine : la cohésion nationale, les afro-mauritaniens ne parlant pas l’arabe n’ayant que le français pour communiquer avec les Beïdanes et les Haratines ; l’intégration régionale ; le développement économique ; et enfin l’amélioration de l’enseignement public désormais dispensé en deux langues. La langue française n’est plus langue co-officielle depuis 1991 mais conserve une place privilégiée et reste la seule langue d’enseignement avec l’arabe classique. Le français demeure un enjeu de politique intérieure entre maures blancs et maures noirs : depuis des années, les maures blancs ont entrepris d’affirmer leur pouvoir politique sur l’ensemble du territoire, concevant l’arabisation du système éducatif comme un instrument politique. Cette arabisation a circonscrit la langue française aux filières dites « bilingues » - mais où l’enseignement se faisait en français - réservées de facto aux populations noires. Ainsi, de 1979 à 1999, le système éducatif mauritanien comprenait plusieurs filières linguistiques : la filière arabophone, de loin la plus importante (85 % des élèves), la filière bilingue (en réalité francophone) et les filières en langues nationales. En 1999, le système éducatif mauritanien a connu une réforme de grande ampleur qui a mis fin à la coexistence des deux filières linguistiques et fait de l’arabe la langue d’enseignement pour les disciplines littéraires et de sciences humaines et du français la langue des disciplines scientifiques. Cette réforme, nécessaire pour renforcer l’unité nationale s’est révélée, malgré des moyens financiers importants, un échec majeur en raison de sa mauvaise préparation (déficit de compétences linguistiques des enseignants qui s’est accompagné d’une réduction dramatique du niveau de recrutement). Aujourd’hui, l’appui apporté par la France au secteur éducatif est largement institutionnel : nous soutenons, via l’Agence française de développement, le programme national de développement du secteur éducatif (PNDSE) sous forme d’aide sectorielle, financée sur les ressources du contrat de désendettement et de développement, initiative française de solidarité permettant l’annulation de la dette (C2D). Cet appui sectoriel a été complété par une aide-projet sur fonds de solidarité prioritaire (FSP) visant à appuyer la réforme du système éducatif mauritanien et la modernisation et professionnalisation de l’université de Nouakchott, en soutenant notamment la mise en place de la réforme Licence/Master/Doctorat (LMD) en partenariat avec des universités françaises ainsi que le développement de la coopération en matière de langue française autour du centre de recherche et d’études linguistiques (CREL). En outre, la coopération linguistique et éducative s’appuie sur un réseau francophone et scolaire dynamique qui compte un institut français et cinq Alliances franco-mauritaniennes, dont les effectifs d’étudiants sont en constante augmentation. Le succès des Alliances françaises doit aussi s’interpréter comme un signe de l’échec du système éducatif mauritanien, que confirme la prolifération des écoles privées, non confessionnelles pour la plupart, et la demande croissante d’inscriptions d’origine mauritanienne au lycée français Théodore Monod. La direction de la Politique culturelle et du Français (Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats) entretient un dialogue constant avec l’ambassade de France en Mauritanie, qui lui a demandé la mise en place d’un nouveau projet FSP « appui à la maîtrise et à l’usage du français ». Une première demande, dont l’instruction avait été suspendue par les événements politiques, avait été effectuée en 2008. Les contraintes budgétaires pesant en 2011 sur les autorisations d’engagement disponibles sur le programme 209 ne nous ont pas permis de répondre favorablement. La situation budgétaire de 2012 déterminera la suite qui pourra être donnée à ce projet, qui donne toute satisfaction sur le plan technique et qui constitue pour mes services une priorité politique.