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Visite de Mohamed Ould Abdel Aziz au Sénégal : Un passage fustigé par les étudiants et la colonie négro-mauritanienne de Dakar

dimanche 15 septembre 2013


La visite de travail et d’amitié entreprise par le président Mohamed Ould Abdel Aziz au Sénégal, du 10 au 11 septembre 2013 a été marquée par la signature de plusieurs accords de coopération. Côté officiel, l’accueil de la population dakaroise a été grandiose, mais côté coulisses, certains reporters se sont promenés dans le campus de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et dans certains endroits de la capitale sénégalaise pour recueillir l’avis des étudiants et de la colonie négro-mauritanienne vivant au Sénégal. La côte du président Mohamed Ould Abdel Aziz semble y être au plus bas.
Texte seulement

« Le général Mohamed Ould Abdel Aziz n’a rien à faire ici » fustige un quadragénaire négro-mauritanien depuis une vidéo diffusée par TFM sur Seneweb. Selon lui, « Mohamed Ould Abdel Aziz a volé le pouvoir et ne connaît rien de la Mauritanie » évoquant le problème non encore résolu des rapatriés du Sénégal, l’inextricable difficulté des négro-mauritaniens à se faire enrôler et à obtenir leur nationalité usurpée.

Quant aux étudiants mauritaniens, estimés à près de 3.000 au Sénégal, deux se sont exprimés sur l’inexistence de bourses d’études, ce qui rend difficile leur séjour au Sénégal. Malgré l’ouverture d’une faculté de médecine à Nouakchott depuis 2006, ils déplorent encore l’absence d’une faculté de pharmacie. « Normalement, cela devra suivre comme tout le reste, mais à condition que la Mauritanie mette en place les condition socioéconomiques apaisés » ont-ils noté. Le reportage d’indiquer que les étudiants mauritaniens interrogés ont cependant exprimé leur intention de retourner dans leur pays à la fin de leurs études, déplorant toutefois le manque de débouché qui les attend ainsi que le chômage. « L’accès au travail décent est soumis au favoritisme, surtout pour nous négro-mauritaniens qui font face à une terrible discrimination à l’emploi » déclarera l’un des deux étudiants interrogés. D’autres citoyens mauritaniens ont exprimé leur manque d’espoir par rapport au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz. « Nous n’attendons rien de lui » conclura l’un d’eux.

Cependant, cette note d’amertume cueillie dans les coulisses d’une visite présidentielle effervescente, semble insignifiante aux yeux de ceux qui n’ont vu de la randonnée sénégalaise de Mohamed Ould Abdel Aziz et de sa délégation que les paillettes de l’accueil populaire qui leur a été réservé.

Il faut dire qu’entre le Sénégal et la Mauritanie, c’est un continuum culturel, historique et géographique que seul le Fleuve Sénégal est venu rompre. C’est ce que le président Macky Sall du Sénégal exprimera lorsqu’il déclara lors du dîner gala offert en l’honneur de ses hôtes, que « Mauritaniens et Sénégalais sont inséparables » citant les liens spirituels, religieux, culturels et existentiels unissant les deux peuples. C’est le même constat que fera le président Ould Abdel Aziz quand il souligna que les deux peuples « ont toujours vécu dans l’harmonie et la paix, liés plus que jamais par un destin commun ». Le président JPEG - 51.5 ko Mohamed Ould Abdel Aziz trouve que la coopération multiforme entre les deux pays doit se renforcer sur le plan des échanges, du renforcement et de la consolidation de leur organisation commune, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS).

Mais ces discours redondants imposés par les contingences protocolaires et diplomatiques, cachent mal les divers points de divergence entre le Sénégal et la Mauritanie dont la belle entente de surface s’écaille souvent au contact de la dure réalité des intérêts. Il en est ainsi dans le domaine du transport terrestre, rompu depuis près de trois ans, dans le domaine de la pêche où les relations n’ont repris que cette année après un arrêt de la coopération en 2012, de la transhumance du bétail mauritanien souvent soumis à des aléas douaniers, etc. Aujourd’hui, c’est surtout dans le domaine de la pêche que les Sénégalais semblent le plus satisfaits, avec les nouveaux accords que la partie mauritanienne trouve enfin plus équitable. Contre un tonnage annuel de 40.000 tonnes de poissons accordés aux 300 pirogues sénégalais autorisées à pêcher dans les eaux mauritaniens, Nouakchott perçoit une redevance de 10 Euros par tonne et le débarquement de la capture de 18 bateaux sénégalais (6% de la flotte) en Mauritanie. Si la pêche et la transhumance du bétail mauritanien au Sénégal (plus d’un million de bêtes par an) font l’objet d’accords consensuels, il reste que dans le domaine du transport, aucune solution ne semble pointer à l’horizon, surtout avec l’intransigeance de la puissante Fédération sénégalaise des transporteurs de ne tolérer aucune concurrence sur son sol. Aujourd’hui, c’est la rupture de charge au niveau de Rosso qui reste en rigueur. Sur le plan du transport aérien, plusieurs incidents ont également assombri le ciel des relations entre les deux pays.

Dans le domaine des échanges économiques, la fluidité des échanges et des mouvements de population se pose toujours avec acuité, cinquante ans après les indépendances. Mais les populations riveraines, soudées par des siècles de liens historiques, continuent de braver les contingences administratives. Cependant avec la construction envisagée du Pont de Rosso, ces barrières devront être moins contraignantes.

Cheikh Aïdara

Source : Journal "L’Authentique"